Lettre de Bethleem par une militante de Bienvenue Palestine ayant réussi à passer
We welcome you to Palestine, we really really thank you because you are very very important for us. I’m sorry I’m very emotional and cannot find my words but it’s true, that your coming here means a lot to us as the Palestinians. We love visitors. Like a prisoner likes to get visitors, we also like to get visitors.
Voila la premiere phrase prononcée aux quelque 30 délégués de Bienvenue en Palestine qui ont réussi a passer. 30, sur 1 500...
J’en avais déjà fait le constat en faisant le trajet seule de Tel Aviv à Bethleem. Trajet pour le moins alambique dans lequel je me suis les pieds dans les plats ! "Vous allez bien a Jerusalem, j’avais demande au chauffeur du bus. Damascus Gate ?", croyant que c’était le terminal. ERREUR de novice !
Damascus Gate est du côté musulman de Jerusalem et visiblement, à son regard désapprobateur et sa réponse l’emporte-pièce "Jerusalem, Jerusalem", j’avais posé la question à un chauffeur qui n’en fait pas partie !
Je compris plus tard ma faute, quand, en arrivant au terminal de Jerusalem (appelé Jerusalem Gate), il a fallu que je me vide les poches, passe sous un détecteur, et me fasse scanner mes bagages. Ici, on ne niaise pas avec la sécurite. Puis, encore lorsqu’est venu le temps de demander a quelqu’un comment je faisais pour me rendre a Damascus gate. De nouveau, regard torve. Voila, il devient clair qu’ici, on choisit son camp.
J’embarque dans un taxi. Le chauffeur est silencieux, il me regarde de son rétroviseur souvent. Hum, comment dois-je interpréter cela ? Encore une maudite touriste ignorante qui s’en va a la rencontre de Jesus ? Ou, super, une déléguée qui vient a notre rencontre ?
Son dispatcher crie fort dans son appareil. Le gars lance à celui-ci "Woubaadeen" ("et alors !" en arabe). Je saisis l’occasion : "vous avez parlé en arabe", je fais l’innocente. Oui, me dit-il avant de me demander : where are you from ? "Montreal, Canada". Il me regarde alors longuement dans le rétroviseur : "You are very Welcome". Est-ce juste moi, en tous les cas, je me suis sentie considérée comme une "alliée".
Dans le bus 21 vers Bethleem, nous sommes entasses. Partout autour de moi, des conversations animées en arabe. En route, des soldats de l’armée israélienne font signe au chauffeur de se ranger sur le cote pour vérification des passagers. J’entends raler. Regards sarcastiques . C’est une vérification déterminée de façon totalement arbitraire, s’entend. Les portes s’ouvrent, plus personne ne parle, pas même les 2 soldats qui entrent. Tout le monde sait ce qu’il doit faire. Les uns sortent leurs papiers, pas des passeports, des petites feuilles qu’ils déplient dans un geste d’une routine humiliante -je le vois par leur têtes baissées qui n’ose surtout pas dévisager les soldats- les autres passent lentement sans prononcer mot. Je sors mon passeport. Le soldat passe à cote de moi sans même me voir. J’insiste pour qu’il le regarde avec un geste dans sa direction mais je suis complètement invisible, ce qui renforce le sentiment que les soldats n’en ont que pour ces Palestiniens, la plupart des réfugiés qui n’ont d’autre identité qu’un vulgaire bout de papier qui ne leur donne ni citoyenneté, ni liberté de mouvement. Moi-même j’ai l’impression de retenir mon souffle alors que je sais que je n’ai rien a craindre.
J’avais déjà vécu des situations de tension similaire au Népal, la ou l’armée entrait parfois dans les touktouks juste pour manifester leur présence a l’époque ou la lutte était au plus fort entre les maoistes et le "gouvernement". Mais jamais cette humiliation. Du fait de ne pas avoir été vue, ni considerée, par les soldats est resté bien ancré dans ma tête : ici, ils n’ont qu’une cible : faire comprendre aux Palestiniens qu’ils ne sont pas chez eux (malgré que, dans les faits, et le droit international, ils le sont !!) car ce ne sont pas eux qui ont le contrôle de leur destinée. Et, je m’apercevrai rapidement au cours des jours qui suivront que cette violence institutionnalisée, cette façon de toujours bien écraser du pied la tête d’hommes et de femmes déjà par terre ou au contraire toujours prêts à se relever, luttant au risque de leur vie, est omniprésente dans leur quotidien.