Washington en hiver : Bush à l’attaque

dimanche 23 janvier 2005, par Pierre Beaudet

Lors de son discours inaugural, le président réélu a dit une chose simple, « je persiste et je signe ». Encore plus de guerres, d’interventions, de menaces. Aux lendemains des élections, une certaine presse occidentale prévoyait un deuxième mandat marqué par la « modération » et les « compromis ». En pratique, on a constaté le contraire. Les nominations aux postes clés sont allés aux néoconservateurs.

La guerre contre les droits des femmes et des minorités sexuelles a été relancée de plus belle. Le programme économique mis de l’avant s’engager à détruire les acquis du New Deal. Et sur le plan extérieur, Bush et sa principale adjointe Condoleezza Rice l’ont dit, « on remet cela ».

Les bons et les mauvais dictateurs

Sous le drapeau de la « lutte pour la liberté », la « révolution conservatrice » promet de confronter les « États voyous » (Corée du Nord, Cuba, Iran, etc.). Il faut les abattre, selon Bush, car ils représentent le mal. Avec eux tout est permis (invasions, opérations clandestines, pressions économiques), au nom de la lutte pour la liberté. Ce sont les « mauvais dictateurs », mauvais parce qu’ils s’opposent, pour une variété de raisons, à l’empire et la pax americana. À côté, il y a les « bons dictateurs » : l’Arabie saoudite, les militaires indonésiens, le Pakistan, l’Égypte et tant d’autres dictatures effroyables où se pratique quotidiennement la torture et l’assassinat, très souvent à titre de sous-contractants de la « guerre sans fin ».

Avec eux c’est une autre politique, cas pas question de « déstabiliser » nos amis. Encore moins les alliés « stratégiques », l’État israélien en tête, qui peuvent occuper, détruire, soumettre un peuple entier. Dommages collatéraux, pas plus. Et de toute façon, les Palestiniens, comme les Arabes, comme les Musulmans, doivent être menés, de force ou de gré, sur les « chemins de la liberté ». Comme les Sioux et les Apaches il y a 150 ans.

Les « combattants de la liberté » en Irak

Pour Bush, l’invasion et l’occupation subséquente de l’Irak font partie d’un grand combat pour la liberté. Malheureusement a-t-il dit, les intentions des Américains sont mal comprises. Il ne comprend pas pourquoi le « président » irakien Ayad Allawi continue d’être mal-aimé à Bagdad, même s’il a commis quelques petites « bavures » (comme le fait d’avoir assassiné de ses propres mains six prisonniers enchaînés dans une prison de Bagdad en 2003).

L’armée américaine qui est responsable, selon une étude britannique, de 100 000 morts depuis la fin de la guerre contre Saddam, n’est pas bien vue, mais c’est à cause de la propagande des « terroristes ».

Attention les « alliés »

Le discours inaugural contenait une autre menace. La « division entre les amis » est un gros problème, a affirmé le Président, qui n’a certes pas digéré la fronde de la France, du Canada, de l’Allemagne et de la grande majorité des États du monde au moment de l’action unilatérale contre l’Irak. Bush (comme Christian Rioux dans le Devoir) pense que les Européens sont des naïfs et des imbéciles, qu’ils ne comprennent pas que les Etats-Unis sont là pour défendre la liberté et la paix dans le monde. Plus crûment aux lendemains des attaques du 11 septembre 2001, le Président l’avait dit, « vous êtes avec nous ou avec les terroristes ». Aujourd’hui, les actions unilatérales des Etats-Unis devront être appuyées par les pays récalcitrants, sinon il y aura de fortes représailles.

De mauvaises nouvelles pour le Canada

Dès son premier mandat, l’administration Bush n’a cessé d’intimider et de pénaliser son traditionnel grand copain du nord. Une mauvaise nouvelle n’attend pas l’autre et encore là, Bush remet cela. Comme il l’a fait lors de son passage au Canada en décembre, lorsqu’il avait « demandé » à un Paul Martin abasourdi d’embarquer dans sa nouvelle « guerre des étoiles ». Qu’est-ce que Bush demande ? Ni plus ni moins que la capitulation sans condition.

La politique canadienne ultra-prudente et fondamentalement pro-américaine qui prévaut depuis toujours doit être remplacée par un alignement total sur les positions américaines, que cela soit sur la question des frontières, de l’immigration, de la politique étrangère ou de l’économie. Plus de marge de manœuvre, plus de prétention à se présenter comme une voie « alternative », « canadianniste », orientée sur la diplomatie et la résolution pacifique des conflits. Le Canada de Bush doit investir dans l’armée, seconder les interventions américaines lorsqu’on en a besoin, subordonner ses intérêts économiques (bétail, bois, minerais, pétrole, eau). Et pour le reste, dire « oui chef », que ce soit à l’ONU ou ailleurs. Qui est d’accord avec cela ?

Malheureusement une grande partie du monde des affaires, Thomas D’Aquino en tête, qui dit sans le dire que le Canada n’a pas le choix que de se soumettre si on veut que la « bizness » continue. Qui est en désaccord avec cela ? Heureusement la grande majorité de la population, au Québec notamment, mais aussi dans le reste du Canada. La bataille ne fait que commencer.

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