Le visage des grandes villes du monde change et devient plus cosmopolite que jamais. On ne reviendra pas en arrière. Je rêve d’un Montréal (et d’un Québec) au visage français, mais où la majorité des gens seront minimalement trilingues, ouverts sur le monde et avides d’échanges. Un avenir meilleur passe par le dialogue interculturel.
L’avenir s’élabore en ville parce que les villes, surtout les plus grandes, sont des lieux de culture vivante. Des lieux de rencontres, de brassage d’idées, de recherche et, surtout, des lieux de stimulation du potentiel de rêve des habitants. À quoi, je vous le demande, a toujours servi la culture et sa transmission ? À susciter la réflexion autour des grandes préoccupations humaines : Qui suis-je dans cette société ? Comment y vivre mieux ? Comment y contribuer et témoigner de son temps ? Comment définir ce qui est bon, beau, juste pour soi et pour les autres ?
La culture, on le sait, chapeaute l’art du vivre ensemble et englobe les systèmes de valeurs, les pratiques artistiques anciennes et actuelles, les techniques, les sciences, les codes, les traditions, les modes de vie.
Ce qui fait le charme de la métropole aux infrastructures abîmées, c’est précisément sa mixité culturelle singulière, ses quartiers animés, la richesse de son offre culturelle qui commence, enfin, à être un peu plus à l’image de cette diversité. Moi, la fille de Québec arrivée à Montréal il y a plus de 30 ans, je continue de croire qu’il manque dramatiquement d’immigrants récents dans notre capitale où le régionalisme bon teint a gagné tant de terrain.
Ce sont les lois du marché néolibéral sur lesquelles nous avons bien peu de prises encore qui ont la force de frappe des religions d’antan, en ville et ailleurs. C’est l’idéologie marchande qui organise les grands-messes médiatiques, gave de privilèges certains et en ostracise d’autres. C’est la voracité du marché qui bouscule les populations et fait gonfler les flux migratoires aux espoirs infinis. Ce sont les impératifs économiques qui vampirisent les trajectoires de vie, l’environnement et les ressources naturelles, les horaires et les repères sociaux. Ils sont, à mon sens, les vrais responsables du brassage identitaire que vivent les citadins à travers le monde. Mais voilà, dans ce siècle qui commence, nous finirons par apprendre que l’identité collective n’est jamais jouée une fois pour toute, qu’elle est un concept labile, c’est à dire qui bouge, qui change, qui évolue.
Pour ouvrir nos horizons urbains et imaginer de nouvelles façons de vivre ensemble, il y a urgence à détricoter nos préjugés, à combattre la suspicion, à dénouer les tentatives populistes et à refuser le repli identitaire qui nous fait courir à l’échec. Pour cela, il faut s’informer et s’abreuver à d’autres repères que nos idées reçues. Nous ne pourrons construire une nouvelle identité citoyenne contre l’autre. Les murs isolent et exacerbent la peur. Les ponts sont ce que les humains ont inventé de mieux pour dire leur désir de découvrir l’autre rive. Le défi des urbains métissés, c’est que nous devenions architectes d’un vrai pont interculturel.
Quand les habitants de tous horizons de nos villes seront considérés comme des citoyens responsables de l’équilibre social, plutôt que comme des citadins individualistes, nous aurons fait un pas de géant vers une nouvelle conscience collective.