TUNISIE

Une répression routinière

samedi 1er mars 2003, par Journaliste tunisien

En Tunisie, les mois se suivent et se ressemblent. La répression dont sont victimes les acteurs de la société civile va crescendo.

Ainsi, en décembre dernier, de nombreuses personnalités (essentiellement des avocats) ont été brutalisées par la police tunisienne. Ces agressions intervenaient quelques jours après le lancement par l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP) - non autorisée -, d’une campagne de solidarité avec 23 détenus d’opinion (islamistes) qui vivent « un isolement total » depuis plus de 10 ans, pour certains d’entre eux.

Le même mois, une manifestation de solidarité avec le peuple irakien, à laquelle avait appelé les partis d’opposition, était interdite. Le déploiement policier était tellement impressionnant que des personnalités dissidentes ironisaient sur « la police tunisienne qui, par sa présence massive, transforme les manifestations de l’opposition en un succès populaire ».

Début 2003, la campagne de solidarité avec le journaliste Hamadi Jebali (islamiste, emprisonné depuis 1991) et Zouhaïer Yahyaoui, webmestre du site TUNeZINE, en prison depuis juin 2002 (lire Alternatives, septembre 2002), a permis à l’opposition d’attirer l’attention sur les atteintes à la liberté d’expression en Tunisie. Début février, les différentes démonstrations qui ont eu lieu simultanément en Tunisie, en Europe et au Canada ont offert aux activistes tunisiens l’opportunité de rappeler le cas de centaines de détenus d’opinion - l’AISPP en a dénombré 595 - qui croupissent dans les prisons depuis une décennie.
À la mi-février, la répression perdait son caractère « élitiste » et s’abattait sur des centaines de manifestants qui tentaient d’organiser une marche de solidarité avec le peuple irakien. À l’heure où le journal était sous presse, les confrontations les plus spectaculaires s’étaient déroulées le 16 février à Sfax (270 kilomètres au sud de Tunis) quand les syndicalistes de l’Union générale des travailleurs tunisiens tentaient de suivre le mouvement international d’opposition à la guerre. Ce jour là, une vingtaine de citoyens a été hospitalisée à la suite des violences policières. Certaines informations croisées en provenance de Tunis parlent d’une « rue en état d’ébullition qui, à l’instar des autres rues arabes, risque à tout moment de s’embraser ».

C’est dans ce contexte tendu que le Rassemblement constitutionnel démocratique, parti au pouvoir, se prépare à la tenue, cet été, du « Congrès de l’ambition » au cours duquel il devrait confirmer la candidature, aux élections présidentielles de 2004, du président sortant Ben Ali. À la suite du référendum de mai 2002, entériné à plus de 99 % des voix, cette candidature est désormais légalement possible (voir Alternatives, juin 2002).

Du côté de l’opposition contestataire, deux stratégies semblent se dégager : la première, prônée par le Dr. Moncef Marzouki, président du Congrès pour la république (non reconnu), estime que le pouvoir ne possède ni le droit ni la légitimité d’organiser pareilles élections. Selon Marzouki, une participation équivaudrait à une reconnaissance de fait d’un pouvoir « républico-monarchique ». La seconde tendance, plus pragmatique, est symbolisée par le Parti démocrate progressiste (reconnu, aucun député) qui préconise une participation « malgré l’exclusion imposée par une législation taillée sur mesure ».

Une forte répression policière risque de transformer le sentiment populaire de solidarité avec l’Irak en un ressentiment vis-à-vis des autorités du pays. Vu le contexte international, un tel scénario n’est pas à exclure.

Journaliste tunisien, journal Alternatives.

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