Une guerre à 3 000 milliards de dollars
Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, Fayard, 2008, 355 p.
D’entrée de jeux, les auteurs s’excusent de parler de la guerre d’Irak en chiffres : « Avec les souffrances humaines qu’a provoquées la guerre d’Irak, le seul fait de penser à son coût financier peut paraître odieux. » Toutefois, l’exercice vise non seulement à chiffrer ce désastre, pour ainsi en révéler toute l’ampleur, mais aussi à démontrer comment la Maison-Blanche a trompé le public pour justifier cette guerre et minimiser ses impacts négatifs avant et après l’invasion. Les auteurs visent juste : 3 000 milliards de dollars, quel chiffre vertigineux ! Et dire que Donald Rumsfeld avait qualifié « d’idiotie », le chiffre de 200 milliards de dollars en 2001 pour attaquer puis reconstruire l’Irak.
Bien sûr, les États-Unis sont en mesure d’absorber une telle somme, mais à quel prix ? Les coûts directs pour mener cette guerre, 1 000 milliards de dollars, auraient permis de construire 8 millions de logements ou de régler pour 50 ans le trou dans la caisse de la sécurité sociale des États-Unis. À titre de comparaison, Washington consacre 5 milliards de dollars par année à l’Afrique, une somme dépensée en cinq jours de combat !
Mais l’invasion de l’Irak, c’est aussi des dépenses sociales ahurissantes versées pour des décennies en soins et en invalidité aux anciens combattants. Les auteurs dénoncent d’ailleurs les listes d’attente ou l’absence totale de soins pour les vétérans qui souffrent de problèmes de santé mentale.
Pour terminer, il faut tenir compte des coûts des intérêts, parce que toutes ces dépenses sont faites à partir de sommes qui ont été empruntées !
Le pire c’est que, selon les auteurs, si on tient compte des coûts économiques réels (baisse des investissements, pertes de travailleurs dans la force de l’âge, etc.) et des impacts macroécomiques (augmentation des prix du pétrole, perte de productivité, parce que des fonds ne vont pas en recherche et développement, etc.), alors la facture s’élève à 5 000 milliards de dollars pour les États-Unis seulement. Ceci n’est d’ailleurs pas le scénario le plus pessimiste. Et cela n’inclut pas les dépenses et les coûts assumés par les alliés de Washington et le reste de la planète.
Joseph Stiglitz et Linda Bilmes soulignent que ces dépenses n’ont servi à rien sauf à chasser un tyran du pouvoir. Comme le mentionnent les auteurs, il était prouvé avant l’invasion que les armes de destruction massive étaient inexistantes ; avant qu’il n’y avait aucun lien entre l’Irak et al-Qaïda, mais que cela risquait de stimuler le terrorisme ; et avant que le prix du pétrole ne serait pas plus abordable et l’approvisionnement plus stable.
Ils concluent leur ouvrage en soulignant l’incapacité de l’ONU et du Congrès à freiner les ambitions destructrices des faucons de la Maison-Blanche. Ils proposent 18 réformes pour que les États-Uniens soient mieux informés la prochaine fois, ce qui inclut davantage de transparence dans la présentation des coûts, et pour que les soldats qui combattent soient mieux épaulés à leur retour au pays.