Libertés

Un texte satirique embarrasse les autorités tunisiennes

lundi 3 juillet 2006, par Taïeb MOALLA

Les régimes autoritaires n’ont aucun sens de l’humour. Si cette vérité de La Palice avait besoin d’une illustration, le pouvoir tunisien vient tout juste de la fournir.

L’histoire commence en mai 2002. Omar Khayyâm - le pseudonyme d’un tunisien vivant à Montréal - sévit dans le cyberespace. Sa spécialité ? Des textes satiriques de « politique-fiction » dans lesquels il laisse libre cours à son imagination avec, pour unique but, de tourner en ridicule les caciques du pouvoir en place.

C’est ainsi que « le badge du prieur » fait son apparition sur la Toile. Omar Khayyâm tient son (faux) scoop : Tunis vient de lancer un plan ministériel visant à « éviter l’anarchie et [à] rationaliser la visite des mosquées ». Chaque Tunisien est désormais dans l’obligation de « remplir une demande de carte de prieur ». Les imams doivent « s’assurer que tous les prieurs [soient] badgés ». La police des frontières n’a pas oublié les touristes musulmans qui recevront des « cartes spéciales valables pour toutes les mosquées tunisiennes », ajoute Omar Khayyâm.

Le papier - que les Tunisiens s’échangent rapidement sous le manteau - fait les délices des lecteurs. Même si l’information qu’il contient est inventée de toutes pièces, beaucoup ont apprécié la dénonciation originale des mesures draconiennes imposées aux pratiquants depuis le début des années 1990. Dans sa lutte contre l’islam politique, le pouvoir tunisien a, en effet, limité les heures d’ouverture des mosquées, fait une chasse impitoyable aux « barbus » et traqué les femmes portant le foulard islamique, apparenté à un « habit confessionnel ».

L’article, qui fait boule-de-neige, est repris dans plusieurs sites Internet et forums de discussion arabophones. Le dernier exemple en date étant le journal jordanien Al Wasat qui a vilipendé, le 15 avril 2006, le gouvernement tunisien sans même prendre la peine de vérifier l’information.

Cette mauvaise publicité a tellement déplu aux autorités qu’un démenti gouvernemental a été envoyé à l’agence de presse Reuters, le 18 mai dernier, soit quatre ans après la publication de l’article ! « Il s’agit de tentatives désespérées de certains regroupements [...] qui visent à porter atteinte à l’image de la Tunisie », indique le communiqué. Notons que cette mise au point (non signée) s’adressait uniquement à la communication externe. Aucun média tunisien, pas même les journaux gouvernementaux, n’ayant jugé bon de la reprendre. Dès lors, plusieurs éditorialistes de la presse aux ordres stigmatisent les « malades qui essayent de semer le désarroi chez le peuple tunisien ».

Des libertés en recul

Au-delà de ce fait anecdotique, la situation des libertés publiques en Tunisie ne cesse de se dégrader.

À la fin mai, un membre de la section suisse d’Amnistie internationale a été expulsé manu militari du pays. Son crime ? Avoir montré sa solidarité avec les militants tunisiens. Aussi, le bras de fer entre les autorités et la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) - la plus ancienne association du genre dans le monde arabe et en Afrique - n’est pas prêt de se terminer. La police a eu recours à la force pour empêcher l’organisation de tenir son congrès.

Le 15 juin, le Parlement européen a demandé à Tunis de fournir « des explications » quant à l’interdiction du congrès de la LTDH. « La situation des droits et des libertés en Tunisie reste préoccupante [et] les démarches entreprises jusqu’à présent par le Conseil [européen] et la Commission [européenne] ont clairement montré leurs limites », estiment les eurodéputés.

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