Devant l’ampleur qu’a pris le processus commencé avec le Forum Social Mondial de 2001 à Porto Alegre, on me demande souvent si les organisateurs de ce premier Forum imaginaient ce qu’il allait devenir. Je réponds en disant que pour nous déjà le succès de ce premier Forum nous a surpris. Nous attendions 2 500 participants et 20 000 personnes sont venues... Le forum social mondial est devenu une des initiatives les plus réussies pour s’opposer à la domination du monde par le système capitaliste.
En effet, en 2001 nous avions seulement la certitude qu’il fallait lancer une alternative au Forum Économique Mondial, qui réunissait tous les ans, à Davos, les dirigeants des multinationales et les chefs des gouvernements des pays riches, pour consolider leur « pensée unique » autour de la primauté du marché, dans la logique de la compétition et de l’individualisme. Ils le présentaient comme la seule alternative pour la satisfaction des besoins humains, en lui attribuant aussi la capacité de résoudre par lui même tous les dysfonctionnements de l’économie. Mais à la fin du siècle les effets pervers du système capitaliste, pour les êtres humains et pour la survie de la planète, montraient déjà le contraire.
Ceux cependant qui s’opposaient à ce système vivaient encore une certaine perplexité après la chute du Mur de Berlin en 1989 - l’évènement qui a symbolisé l’échec de la longue expérience socialiste de la Union Soviétique, le siècle dernier. Des protestations et des résistances à la domination du capital - qui s’était étendue sur toute la Terre - commençaient à se multiplier. Mais il fallait affirmer avec force qu’un « autre monde est possible », basé sur la coopération et la solidarité. Le Forum Social Mondial, centré sur le besoins humains, et réalisé en 2001 aux mêmes dates que le Forum de Davos - celui là centré sur l’argent - pour bien montrer à quoi il s’opposait, a rempli ce rôle, en renouvelant l’espérance parmi ceux qui n’acceptaient pas le modèle social et économique dominant et cherchaient des alternatives.
Aujourd’hui nous sommes devant un vrai processus presque ininterrompu de rencontres des organisations de la société civile du niveau local au niveau mondial, en tant qu’espaces ouverts pour se rencontrer, se reconnaitre, échanger des expériences, identifier des convergences, s’articuler, dans l’horizontalité et dans le respect de la diversité, pour se battre ensemble pour les valeurs d’une nouvelle civilisation, où les êtres humains seront en harmonie entre eux et avec leur mère commune, la Terre.
Le 2e Forum Social Québécois s’inscrit bien dans ce processus, en donnant le départ à la série de Forums qui seront réalisés partout dans le monde en 2010 - dont un en janvier à Porto Alegre, pour évaluer les dix ans de cette initiative - et aboutir au prochain Forum Social Mondial à Dakar en 2011. Et des nouveaux défis nous attendent pour que la lumière de notre espoir puisse atteindre un nombre toujours plus grand de nos frères et sœurs, spécialement après la démonstration donnée par la dernière crise économique de l’incapacité d’autorégulation du marché.
Nous tiendrons juste avant le FSQ une réunion du Conseil International du FSM, qui doit assurer la continuité du processus, en le servant sans vouloir le diriger d’en haut. Un vrai défi continu, en considérant spécialement que le Forum Social Mondial est devenu très clairement un nouveau « Bien Commun de l’Humanité », dont la forme de gestion est en elle même à inventer, pour qu’il ne soit pas « privatisé », comme les autres Biens Communs que le système cherche á « marchandiser ».
Je souhaite un bon travail pour ceux qui se réuniront dans le Forum Social Québécois et dans le Conseil International du FSM dans ce début du mois d’octobre de 2009. Nous serons tous bienvenus dans ces espaces d’invention joyeuse du monde fraternel dont rêvent tous les êtres humains.