
« Que fais-tu de ma douleur ? »
« Je suis sans réponse face à la douleur. »
Cet échange contient sans doute l’essentiel de la prose poétique portée à la scène dans le spectacle Tout comme elle. Ce n’est sûrement qu’en admettant à la fois cette question et sa réponse qu’une mère et sa fille peuvent s’aimer sans ravage.
Louise Dupré nous offre un texte qui nomme des états que doivent vivre toutes les filles, et toutes les mères de filles, à divers degrés. Une femme sera toujours la fille d’une autre femme, et une mère qui met au monde une fille se projette invariablement dans cette enfant qui deviendra femme et ce, quel que soit le type de relation qui les unira. Le récit est une suite de perceptions précises, douloureuses, obsédantes, imagées, amoureuses, haineuses, comme un long périple qu’une mère et sa fille doivent vivre pour enfin s’aimer « dans un amour désormais libre de toute éternité ».
Brigitte Haentjens a choisi de faire porter cette parole par cinquante comédiennes, un chœur féminin dans lequel le spectateur peut reconnaître tantôt sa mère, sa soeur ou sa fille et dont les mots s’échangent comme s’il s’agissait d’un seul souffle. Toujours présentes sur scènes, les actrices s’unissent et se désunissent, créant des images qui nous font voyager du collège de filles modèles à la clinique de maternité, d’un enterrement à des retrouvailles, grâce à un jeu tout en retenue et en tension. La mise en scène exploite les (très) nombreux corps avec grâce et puissance, et aussi avec un ludisme qui fait sourire, et même rire par moments.