TAIMA signifie « assez », en langue inuktitut. C’est un appel à la prise en main de son destin et à la fin d’une époque où les peuples autochtones se sentaient inférieurs. TAIMA, c’est un regard vers l’avenir, vers un futur dans lequel les autochtones et les Blancs acceptent leurs différences et s’enrichissent de celles-ci. Mêlant le folk, le trip-hop et le country, TAIMA rappelle, entre autres, les sonorités des groupes The Cowboy Junkies et Portishead, chantées ici dans l’une des langues les plus anciennes de notre histoire, l’inuktitut. Les 11 chansons de l’album évoquent, aussi en français et en anglais, des thèmes qui touchent profondément les deux compositeurs : les relations entre hommes et femmes, entre les différentes nations et entre l’être humain et la nature.
Le grand départ
Élisapie a quitté son village natal pour venir faire des études en communication à Montréal. Malgré la réticence de sa famille à la laisser partir pour la grande métropole, elle s’envole vers le sud, portant en elle ses désirs, ses craintes et ses projets. Élisapie ne représente pas la majorité des jeunes Inuits de son âge : la plupart ne prennent pas la route du départ. C’est la curiosité qui la pousse à partir. « Je me disais que les Blancs ne pouvaient pas être si pires que ça ! » confie Elisapie en riant. L’élément déclencheur de cette soif de découverte : le voyage qu’elle a fait au Québec, à l’âge de 12 ans, accompagnée de son père. « C’est ce qui m’a fait prendre conscience de tout ce qu’il me restait encore à découvrir et à apprendre », raconte la jeune chanteuse.
Bien qu’Élisapie se dirige vers une carrière de cinéaste, la chanson reste toujours bien présente dans sa vie. Elle chantait depuis longtemps avec ses parents, jusqu’à faire même partie d’un groupe de musique, le Salluit Band, un groupe rock-folk-gospel qui tourne encore aujourd’hui.
Une rencontre lumineuse
C’est en 2000 qu’Élisapie fait la rencontre de Alain Auger, qui est musicien professionnel depuis déjà quelques années. À la suite de formations en musique jazz, blues, funk, et rythmes latins, il travaille surtout à la composition de bandes sonores. En ce mois de juillet humide de l’été montréalais, une rencontre rafraîchissante et très prometteuse se produit entre les deux artistes. « C’est cette lumière dans ses yeux, son énergie, sa vitalité, qui m’ont frappé chez Elisapie », se rappelle Alain, souriant. « Au moment précis de notre rencontre, j’ai su tout de suite que ce moment allait être déterminant pour nous deux, au niveau de notre carrière musicale. »
Déterminant, dites-vous ? Après une tournée au Québec et au Canada, TAIMA se prépare maintenant à faire la tournée des festivals d’été, ici et en Europe, afin de faire la promotion de leur nouvel album. « Le temps est venu de s’amuser un peu, de laisser notre cuisine et de passer au salon ! » lance Alain, en racontant qu’ils ont l’habitude de composer leurs chansons sur le coin de la table, dans la cuisine. Après avoir mijoté pendant plusieurs mois ce premier album, Alain et Elisapie sont maintenant près à en faire savourer leur public.
Simplicité et échange culturel
TAIMA, c’est aussi l’incarnation d’une philosophie empreinte de simplicité et le résultat de ce que peut produire un échange culturel évocateur. Pour Élisapie, il était essentiel que sa communauté, sa famille et ses amis approuvent l’album avant son lancement officiel. « Plusieurs de mes chansons racontent les réalités de mon peuple et brisent les tabous. C’était important pour moi que mon entourage appuie les idées et les opinions que j’exprime dans mes textes. » L’album de TAIMA a été accueilli élogieusement parmi les membres de cette communauté aux traditions bien ancrées, qui se réjouissent du vent de modernité soufflé par la musique et les paroles du groupe.
Mais Élisapie et Alain ne désirent pas que leur album soit perçu comme un « success story » culturel entre Blancs et autochtones. Bien que la chanteuse soit très fière de ses racines, elle est agacée lorsque son origine est perçue comme un objet de curiosité. Selon elle, les Blancs mystifient beaucoup trop les autochtones : « Si je porte un collier en os de phoque, ce n’est pas parce qu’il détient un certain pouvoir mythique. C’est parce qu’il me plaît, tout simplement. » Elisapie croit que si nous voulons un réel rapprochement entre nos peuples, il faut tout d’abord comprendre qu’avant d’être autochtone ou Blanc, nous sommes fondamentalement des êtres humains.
Tantôt dénonciateur, tantôt sentimental, l’album de TAIMA nous fait voguer entre zones planantes et rythmées, toujours portées par la voix sensuelle et envoûtante d’Élisapie. Un style nouveau, rafraîchissant et toujours chaleureux, qui saura se démarquer sur la scène culturelle québécoise et ailleurs.