Un autochtone au pouvoir
Dans les barrios de La Paz et d’El Alto (banlieue populaire de la métropole), c’est la fête. Plus encore dans le Chapare où sont localisés le producteurs de coca, les fameux « cocaleros » dont Évo et devenu le porte-parole. C’est la fête aussi dans la ville de Cochabamba, où une spectaculaire « guerre de l’eau » (les habitants avaient expulsé Betchtel Corporation et refusé la privatisation de l’eau) avait secoué le pays en 2000. Par la suite, une « insurrection rampante » a touché l’ensemble du territoire et forcé le départ de quatre présidents. Évo Morales pour sa part vient d’une famille aymara dont les piliers moraux sont définis de la manière suivante : ama sua (ne voles pas), ama quella (ne sois pas lâche), ama llulla (ne mens pas) ; ama llunku (ne sois pas servile).
Le lendemain de la veille
Pays le pauvre d’Amérique du Sud, la Bolivie est structurée par un apartheid social qui marginalise la majorité de la population, notamment les autochtones (60% de la population parle surtout aymara et quechua). Le secteur dominant, composé d’une petite élite dont les entrepreneurs des provinces orientales (qui menacent de faire sécession) et qui est très liée aux Etats-Unis, reste récalcitrant devant l’idée de réformes. Encore forte au Congrès, la droite pourrait forcer Évo à accepter des compromis qui diviseraient sa base populaire (le MAS a considérablement augmenté sa représentation parlementaire mais n’a pas de la majorité). Le contexte en Amérique du Sud est cependant un facteur facilitant. La gauche chilienne a obtenu plus de 52% des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle. Au Venezuela, les forces pro-Chavez ont balayé les élections législatives. Tout cela s’ajoute aux percées des mouvements populaires en Uruguay, au Brésil, en Argentine et ailleurs. Aujourd’hui dans l’hémisphère, la victoire d’Évo est vue comme emblématique.
L’utopie
Davantage « mouvement » que parti au sens traditionnel, le MAS est né en 1987 et coalise les divers secteurs sociaux. Bientôt, il devra unifier les revendications dans un projet commun et mener à bon port non seulement la gestion du gouvernement, mais aussi la réalisation d’une grande utopie, une Bolivie pour tout le monde. Les grandes lignes du programme du MAS sont les suivantes :
– La réorganisation du secteur énergétique pour le mettre au service du peuple ;
– La convocation d’une assemblée constituante pour refonder le pays ;
– La restructuration et la décentralisation politique ;
– La mise en place d’un nouveau modèle économique dont la priorité est la lutte pour l’inclusion et l’égalité ;
– La lutte contre la corruption et l’impunité ;
– La réforme agraire pour redistribuer les terres aux petits paysans.
Alternatives en Bolivie : prêt et présent
Depuis longtemps, des liens de solidarité ont été établis par Alternatives avec les mouvements sociaux boliviens. En juillet dernier, nous avons organisé avec la CSN une mission pour identifier des projets avec les organisations autochtones, les syndicats, les groupes populaires. En septembre, nous avons reçu le défenseur des droits humains de Santa Cruz, Hugo Salvaterra, et nous avons apporté une aide financière aux mouvements de cette région qui oeuvrent dans un contexte difficile où sévissent les milices d’extrême droite liés aux latifundistes et aux entreprises pétrolières. Avec l’équipe du changement, il est espéré qu’une nouvelle coopération pourra être établie pour aider la Bolivie dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Nous sommes prêts et présents et nous entendons consolider ce travail dans la période à venir aux côtés de nos camarades boliviens.