Santé ? Et bien danser maintenant...

vendredi 1er octobre 2004, par Dennis RAPHAEL

Les premiers ministres font la promotion d’un mode de vie sain, alors que leurs politiques aident à créer de plus en plus de misère.

Il ne fait pas de doute que les politiques publiques canadiennes en matière de santé s’orientent de plus en plus vers le modèle américain. Et ce, même si lors de la récente Conférence nationale des premiers ministres canadiens sur la santé, ceux-ci ont tous affirmé être soucieux de soutenir la durabilité du système de santé. Si telles sont leurs ambitions, les déclarations et les documents de Santé Canada et de l’Association canadienne de santé publique leur proposent un programme clair et détaillé. Pour joindre le geste à la parole, les premiers ministres canadiens pourront réaliser leurs nobles objectifs, simplement par l’amélioration des conditions de vie et de la couverture sociale : augmentation du revenu, amélioration des conditions de travail, accessibilité à un logement décent, amélioration de la sécurité alimentaire, amélioration du système d’éducation et appui aux programmes pour le développement de l’enfant. Tous ces éléments ayant un impact direct sur la santé des Canadiennes et des Canadiens.
Cependant, les premiers ministres, semble-t-il, préfèrent nous exhorter à améliorer notre mode de vie, à faire des choix éclairés pour notre santé. Parallèlement, leurs politiques contribuent à maintenir des niveaux très élevés de pauvreté chez les enfants et réduisent les services permettant de préserver notre santé. Les premiers ministres font ensuite diversion en blâmant les Canadiens pour leurs problèmes de santé qui seraient dû à leur mode de vie : mauvaise alimentation, manque d’exercice, tabagisme.
Pourtant, nous savons bien aujourd’hui que c’est plutôt la façon dont une société produit et répartit ses ressources parmi sa population qui est le premier déterminant de santé de celle-ci. Mais les décideurs ne considèrent que rarement ce facteur, de même que les forces économiques et politiques qui les façonnent.
Depuis 30 ans, les documents de Santé Canada et de Santé publique Canada soulignent l’importance de politiques publiques saines pour améliorer et favoriser la santé, tout en prévenant les maladies. Mais le Canada ressemble de plus en plus aux États-Unis et au Royaume-Uni dans son approche des politiques publiques. Ces deux pays étant les moins dépensiers en Occident, en matière de santé publique et de couverture sociale.
Il est clair maintenant que les politiques publiques canadiennes s’orientent de plus en plus vers le modèle américain. Cette situation est la plus grande menace que confronte la durabilité de notre système de santé et devrait donc être au cœur des préoccupations de nos décideurs. Pourquoi n’est-ce pas le cas ?
Nos gouvernements - et nos premiers ministres - implantent des politiques néolibérales où le marché devient l’arbitre déterminant à la fois nos valeurs sociales et nos priorités en matière d’allocution des subsides publics. Malheureusement, ces décisions économiques et politiques génèrent des inégalités du point de vue tant du revenu que de la richesse, affaiblissent les infrastructures sociales, menacent la sécurité d’emploi et les conditions de travail, et rendent la vie difficile aux familles et aux enfants. Les politiques néolibérales, tendent de plus en plus d’une part à réduire le revenu moyen des Canadiens et d’autre part à augmenter les crédits d’impôt aux entreprises. Elles favorisent ainsi les plus riches au détriment des plus pauvres, créant des inégalités sociales et économiques de plus en plus importantes.
Le meilleur moyen de promouvoir la santé est d’informer les Canadiens des conséquences de ces politiques sur leur système de santé, voire sur leur santé. Plutôt que de se faire dire de changer leur mode de vie, les Canadiens ont besoin de réfléchir sur le type de société dans laquelle ils veulent vivre et travailler.


L’auteur est professeur associé à l’Université York de Toronto, spécialiste en gestion et politiques de santé publique.

La version originale de cet article est d’abord paru dans rabble.ca, un magazine électronique canadien.

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