Culture

Rock vs littérature

jeudi 28 septembre 2006, par David HOMEL

Le Festival international de la littérature (ou le FIL, pour les initiés), dirigé par Michelle Corbeil, a marqué cette année le dixième anniversaire de la mort de Marguerite Duras et de Gaston Miron. Il y a eu des hommages en bonne et due forme devant des salles combles. De Gaston Miron, je retiendrai toujours un commentaire qu’il m’a fait un soir de party à Toronto. « Pourquoi tout ce brouhaha autour de moi ? se demandait-il. je suis l’homme d’un seul poème. » Il faut aimer les poètes humbles. Il n’y en a pas beaucoup.

À son plus grand honneur, le FIL s’est également attaqué à une question qui restera sans réponse : quelle est la relation entre le rock et la littérature ? L’animateur Michel Vézina a réuni cinq écrivains pour taquiner la question. Qu’est-ce qui rend un texte littéraire « rock », demandait Vézina. Faut-il porter un blouson de cuir et des bottes ? Autrement dit, ne s’agit-il que d’une attitude ? Existe-t-il des thèmes « rock », du genre sex & drugs & rock ‘n’ roll, pour citer la chanson d’Ian Drury ? C’est sûr, le sexe y est, et pas toujours le style sentimental, car l’expression rock ‘n’ roll veut tout simplement dire « baiser » en anglais américain. .

Et la langue française, peut-elle rocker aussi ? Lorsque nous étions de jeunes étudiants niaiseux made in USA à Paris en 1970, nous nous moquions du caractère rigide de la langue de Molière comparativement à notre langue américaine. Comment faire du rock dans un pays où les gens demandent : « Avez-vous bien dormi ? »

La réponse à cette question, nous l’avons maintenant. Grâce aux rappeurs de France et aux poètes québécois comme Denis Vanier (à qui Lucien Francoeur a rendu hommage) ou bien, avant lui, Gaston Miron, le français fait du rock comme il l’entend. C’est-à-dire qu’ il tord et réinvente ses moyens d’expression sur une base quotidienne. D’ailleurs, toutes les langues en sont capables.

Le rock est-il une affaire de gars ? Bien sûr, Patti Smith est une grande artiste du rock. Mais la discussion animée par Vézina mettait en évidence la vérité que c’est en très grande partie une forme masculine. La seule femme sur scène, Marie-Sissi Labrèche, avait du mal à placer un mot. Mais quand elle y est arrivée, ç’a été la révélation ─ à condition d’apprécier l’autofiction. Elle a lu un court passage sur une rencontre amoureuse dans lequel elle appelle son sexe « ma brèche ». Curieuse appellation de Marie-Sissi... Mais la musique de sa voix et le rythme du texte possèdent une musicalité propre au rock.

Jean-François Poupart a fait valoir, et avec raison, que la littérature a toujours influencé le rock plus que le contraire. Les groupes de rock puisent leurs noms dans les références littéraires, de Steely Dan au Soft Machine. Des écrivains comme Jack Kerouac servent encore d’inspiration aux jeunes générations de musiciens. Avant tout vient le verbe, la parole...

Michel Vézina a voulu savoir s’il existait des écrivains « rock » avant l’invention du rock. Tout le monde s’est exclamé : « Arthur Rimbaud ! » Encore une fois, l’image du révolté, de celui qui transgresse, du subversif, est sortie. Mais si on admettait une certaine qualité « bâclée » du rock, on ne pourrait en dire autant de la poésie de Rimbaud, « pas botché du tout, » selon Tony Tremblay.

Le musicien de rock et l’écrivain veulent refaire le monde ; ils partagent ça. Le rockeur a ses trois accords de guitare, l’écrivain a plus d’outils à sa disposition. Mais rockeur ou écrivain, les deux travaillent pour qu’on les écoute et pour qu’on les aime. Tout le reste est une affaire de mode, d’apparences.

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