
« Dans le corridor, des bols sont posés par terre. À cause de l’éblouissement, je les crois remplis de riz noir. Mais c’est du riz blanc, recouvert de mouches noires. » Tan et Tao ont respectivement 15 et 16 ans lorsqu’elles sont arrêtées. Les plus jeunes prisonnières politiques du bagne de Poulo Condor, détenues dans des cages à tigres, subissent la torture et l’humiliation. L’écriture d’Anna Moï vient heureusement adoucir la description de ces conditions de détention horribles, qui subsistent dans les souvenirs d’enfance des deux sœurs.
Les vies de Tan et de Tao ne pouvaient être banales : « Il faut toujours aller chercher la différence. Soyez différentes, ne vous conformez pas, méprisez le confucianisme, allez le plus loin possible », leur dit leur mère. Celle-ci devenue prospère grâce à sa production de soie laquée, les deux sœurs vibrent au diapason des événements historiques du Vietnam des années 1960. Elles rencontrent les grandes familles saïgonnaises, assistent à l’immolation du Vénérable Thich Quang Duc, en guise de protestation contre la répression des bouddhistes. L’assassinat du président du Sud-Vietnam, Ngô Dinh Diêm, leur est contemporain et leur famille vit la réclusion forcée à la maison pendant l’offensive du Têt en 1968. C’est la vie fascinante d’un Saigon d’une autre époque
Journaliste et écrivaine d’origine vietnamienne, Anna Moï habite Saigon. Basée sur l’histoire vraie de la rencontre de l’auteure avec une ancienne camarade de lycée, Riz noir pose un regard de l’intérieur sur une époque de grands bouleversements.