Durant les prochains jours, l’enquête publique du coroner sur la mort de Brandon Maurice reprendra les audiences. L’enquête qui avait débuté en avril vise à faire la lumière sur la mort de l’adolescent survenue dans la nuit du 15 au 16 novembre 2015 par balles aux mains de la Sûreté du Québec (SQ) à Messines, en Outaouais. Il avait alors 17 ans.
À ce jour, plusieurs questions entourant la mort de Maurice demeurent sans réponse. Une enquête a été menée par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM). Puis, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a annoncé, en juin 2016, qu’aucune accusation ne sera portée contre le policier qui avait fait feu sur l’adolescent. Après tout, “c’était moi ou lui” avait clamé le policier qui a dégainé devant un adolescent n’ayant pas obtempéré.
Dans une longue décision écrite motivant sa décision, le DPCP relate les événements. On peut y lire que les policiers sont témoins de différentes infractions au Code la sécurité routière, qu’ils notent que le numéro d’immatriculation ne correspond pas au modèle du véhicule et que celui-ci s’engage dans un chemin sans issue. Toutes, a priori, des infractions de nature pénale. Toujours selon la décision du DPCP, les policiers seraient sortis de leur véhicule de patrouille pour interpeller le conducteur et ont tenté d’ouvrir la portière. La portière ne s’étant pas ouverte, il décide de briser la vitre. Le véhicule se met alors en mouvement et le policier embarque son corps dans l’habitacle. Un agent de la SQ le corps a moitié dans un véhicule abritant deux adolescents. Le policier, toujours à l’intérieur du véhicule, aurait alors sommé le conducteur d’arrêter son véhicule sinon il ferait feu. L’arme est pointée. L’arme est chargée. Un coup de feu est ensuite tiré en direction du conducteur et le véhicule s’arrête. Le DPCP conclut que l’intervention policière était légale.
Curieusement, cette affaire qui n’est pas qualifiée de crime finit par attirer l’attention du coroner. En effet, presque un an après la décision du DPCP de ne pas porter d’accusation, la coroner en chef, Catherine Rudel-Tessier a ordonné, en mai 2017 la tenue d’une enquête publique. Elle est menée par le coroner en chef adjoint Me Luc Malouin.
Durant les premières dates d’audience, les deux policiers impliqués, soit Dave Constantin et Frédéric Fortier ont témoigné par vidéo depuis Maniwaki. Un enregistrement de la poursuite policière a été dévoilé en avril dernier. D’une durée de neuf minutes, on y entend Constantin alors décrire la poursuite policière qui s’étend sur environ 10km. Questionné sur les ondes quant à la raison de l’interception du véhicule conduit par Maurice, Constantin répond: “clairement il ne voulait pas être intercepté”. Quelques minutes plus tard, il indique “toutes les personnes à bord ont été contrôlées”. Le décès de Brandon Maurice sera constaté à l’hôpital de Maniwaki quelques heures plus tard.
L’expert-conseil en emploi de la force, Bruno Poulin, a aussi témoigné devant le coroner. Selon un reportage de Radio-Canada, il a fortement critiqué la décision de l’agent Frédéric Fortier de s’approcher du véhicule, de tenter d’ouvrir la portière et d’entrer dans l’habitacle, le tout en tenant son arme de service à la main. Poulin est allé jusqu’à dire que l’agent Fortier s’était mis en danger lui-même.
Le coroner a aussi entendu le témoignage de Christopher Houle, seul témoin civil des événements tragiques. Il était passager aux côtés de Brandon Maurice au moment de sa mort. Plus tard, il apprendra qu’une dizaine d’heures s’écoule entre la mort de son ami Brandon Maurice et son annonce par les autorités à la famille.
Selon les déclarations de Me Luc Malouin, l’enquête du coroner vise notamment à déterminer si la poursuite policière a été faite selon les règles et si le coup de feu du policier était justifié. Au-delà de cela, le coroner n’a pas compétence. Les pouvoirs du coroner sont définis dans la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Celui-ci a pour fonctions de rechercher durant une enquête les circonstances du décès et peut formuler des recommandations “visant une meilleure protection de la vie humaine”. La Loi prévoit que le coroner ne peut se prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d’une personne. Au final, que ferons-nous des recommandations du coroner?
La suite de l’enquête sur la mort de Brandon Maurice se déroulera du 22 au 24 aout 2018 inclusivement au Palais de justice de Gatineau.
Un dossier à suivre.
Arij Riahi est avocate de la défense en droit criminel et pénal: arijriahi.net