Nous sommes tous Grecs.
PERCY BYSSHE SHELLEY, Hellas
L’histoire de la civilisation grecque est très ancienne. Plus récemment, cette société a survécu à 400 ans d’une rude occupation turque et à la première guerre de libération nationale se terminant par la victoire partielle de 1831. Par la suite, les Grecs ont seulement eu quelques années de démocratie libérale puisque les régimes crypto-fascistes et totalitaires, l’occupation nazie, la guerre civile et les dictatures les ont dominés. Ce n’est qu’en 1980 qu’Andreas Papandréou est élu avec le premier gouvernement socialiste et instaure une république. Depuis le 1er janvier 2002, la Grèce est membre de l’Union européenne. La population du pays atteint un peu plus de 10 millions de personnes, sans compter les 10 autres millions vivants à l’extérieur de la Grèce.
Étatiste consommé, Papandréou fait augmenter de 300 000 les bureaucrates durant son mandat. Il introduit également des lois strictes sur l’égalité des sexes et crée une nouvelle réalité. La Grèce devient un état providence contradictoire comportant un programme de garderie nationale gratuit et un programme de pension permettant à quelqu’un de prendre sa retraite dès l’âge de 53 ans. Et voilà qu’une étude de l’OCDE, datant de 2008, nous apprend que les Grecs travaillent 2120 heures par année, soit 690 heures de plus que les travailleurs allemands. Une étude de ECB, Eurostat 2002-2009, souligne que les dettes publiques, corporatives et celles des ménages sont moindres que celles du Royaume-Uni et de l’Allemagne.
Il s’est passé un vol aux proportions épiques en Grèce. Tout comme en Amérique du Nord et en Angleterre, c’est le petit peuple qui doit payer les dettes contractées par les riches et les puissants. Les emplois, les pensions et les services publics doivent donc être réduits. Par conséquent, ceux qui profitent de ces coupures en sont responsables. Pour l’Union européenne et le FMI, il s’est présenté une opportunité de « changer la culture » et de démanteler le modèle social qui existait.
L’hérésie des Grecs frappe encore
Quand George Papandréou, le premier ministre socialiste de l’État, tente d’emprunter aux marchés de capitaux internationaux en émettant des bons d’épargne gouvernementaux, la dette de la Grèce, à 11%, n’est pas plus élevée que celle des États-Unis. Les spéculateurs s’en sont réjouis et ont augmenté les intérêts sans cesse. La campagne de dénigrement des marchés fut efficace et le blocage des agences de cotation américaines a mené la Grèce à une économie de poubelle ce qui a aggravé la situation. Comme nous le savons, ces mêmes agences ont donné une excellente note aux milliards investis dans les soi-disant valeurs de prêts hypothécaires à risque, ce qui a précipité l’écroulement du capitalisme de marché en 2008.
La Grèce est détestée pour la même raison que la Yougoslavie a dû être détruite physiquement. Plusieurs Grecs travaillent pour le secteur public. Les jeunes et les syndicats forment une alliance populaire qui n’a pas été pacifiée : les chars d’assaut des colonels sur le campus de la Polytechnique demeurent un spectre politique. Une telle résistance alimentée par les anarchistes est abominable aux yeux des États européens et des banques européennes. Elle est perçue comme une obstruction face à la volonté des Allemands qui désirent envahir les marchés.
À Londres, j’ai entendu des cris qui disaient : « Vive les Grecs » alors que des verres de bières et de vin s’entrechoquaient au milieu des bruits des résistants. Non seulement l’économie informelle grecque suscite de l’espoir parce que les Grecs ordinaires s’insurgent contre le vol de leur économie noyée dans les dettes des riches sociétés adeptes de l’évasion fiscale mais aussi, toute cette situation soulève également la terrible notion de la guerre des classes sociales.
L’hérésie de ce peuple est dans la résistance des gens ordinaires ce qui donne un espoir véritable contrairement à la faible opposition des élites au pouvoir. La résistance grecque, qui perdure sous diverses formes et est rarement présentée telle quelle, a tout de même suscité la panique chez les nantis. À preuve, certains politiciens européens très en vue qui semblent maintenant découvrir les agences américaines de cotation et les spéculateurs du marché.
Nous sommes témoins d’un viol féodal. Goldman Sashs et les banquiers internationaux se sont unis à l’élite politique pour fausser les données et encaisser des milliards pariant que l’économie grecque s’écroulerait. Mais les Grecs, contrairement à la plupart, ont bien saisi et ils savent quoi faire. Déclarer la grève générale, fermer le centre d’Athènes, ils n’ont pas peur de discuter de la situation des riches et des pauvres ou des oligarchies vis-à-vis des citoyens. Plus de 10 journaux quotidiens de toutes les tendances politiques paraissent dans la même ville. Tout comme le Grec d’autrefois, le Grec d’aujourd’hui est, tel que l’a remarqué Aristote autrefois, un animal politique.
Mais le problème est encore plus complexe encore. Lisez l’essai devenu maintenant un classique de Dwight Macdonald « Partir de l’homme ».