En 1994, le président de l’époque,
Carlos Salinas, signait avec grand fracas
l’Accord de libre-échange nordaméricain
(ALÉNA), avec le président
américain, Bush père, et le premier
ministre canadien, Brian Mulroney.
Les médias ont alors célébré cet accord,
qu’ils considéraient être la solution
magique aux problèmes de
pauvreté au Mexique. Dix ans plus
tard, rares sont ceux qui entonnent
toujours ce refrain.
La pauvreté a en fait augmenté. Le
Mexique compte aujourd’hui 50 %
de pauvres dont 20 % de très pauvres.
Les salaires ont baissé et les nouveaux
emplois créés dans le sillon de l’ALÉ-
NA sont mal payés et souvent sous la
coupe des mafi as qui contrôlent les
maquillas, ces zones franches établies
le long de la frontière avec les États-
Unis. Sur 45 millions de travailleurs,
30 millions travaillent dans le secteur
dit informel, pratiquement sans droit
ni protection.
Depuis son élection en 2000, le
président et ex-PDG de Coca Cola,
Vicente Fox, n’a fait qu’aggraver
cette situation. Une nouvelle législation
pour soi-disant moderniser
le monde du travail a été déposée
au Parlement, ce qui conduirait à
affaiblir encore plus les syndicats et
à démanteler les législations sociales
héritées de la période du président
Cardenas dans les années 1930.
Époque où le Mexique vivait une
sorte de « révolution tranquille ».
Un mouvement syndical sous
la coupe de l’État
La tâche de Fox est facilitée par le
fait que le syndicalisme au Mexique
est dominé par la toute-puissante
Confédération mexicaine du travail (CMT) qui, depuis longtemps,
est contrôlée par l’État. Pire encore,
dans certains cas, les syndicats « of-
fi ciels » sont devenus une véritable
mafi a manipulant et intimidant les
travailleurs. Souvent avec la complicité
et l’appui des employeurs et de
l’État. Par exemple, la CMT a appuyé
le gouvernement dans sa politique
de privatisation du secteur public,
notamment de l’entreprise nationale
des télécommunications, Telmex. Des
milliers d’emplois ont été supprimés,
comme cela a été le cas dans la sidérurgie
et d’autres secteurs de l’économie,
auparavant sous contrôle public.
Le grand rêve de Fox et de ses alliés
américains est de privatiser l’industrie
pétrolière, qui est le joyau et le
noyau dur de l’économie mexicaine.
Mais, pour le moment en tout cas,
l’opinion publique ne laisse pas faire.
Face à l’inféodation de la CMT, plusieurs
milliers de syndiqués se sont
organisés sur leurs propres bases.
De gros syndicats du secteur public
se sont unis pour mettre en place
une centrale syndicale alternative :
l’Union nationale des travailleurs
(UNT). C’est le cas notamment du
syndicat des employés du téléphone.
L’UNT a par la suite fusionné avec
d’autres centrales syndicales signifi -
catives. Notamment le Front authentique
du travail (FAT), bien connu
ici au Québec, en raison de sa participation
au Sommet des peuples des
Amériques en 2001 et de ses liens
avec certains syndicats québécois,
dont la CSN.
Un des principes sur lesquels est fondé
l’UNT est la démocratie syndicale,
le droit de s’organiser et d’appartenir
à un syndicat de son choix. Pendant
longtemps, la CMT a joui du monopole
et, encore aujourd’hui, les employeurs
et les cadres de la centrale
mettent de gros bâtons dans les roues
des travailleurs qui veulent organiser
un syndicat indépendant. Ces résistances
à l’extérieur de la CMT ont
aussi des échos à l’intérieur de la
centrale, où plusieurs syndicats (notamment
les travailleurs de l’électricité)
réclament des changements et
la démocratie syndicale, ainsi qu’une
rupture entre la CMT et le Parti révolutionnaire
institutionnel (PRI) qui
a dominé la vie politique mexicaine
pendant 60 ans.
L’enjeu de 2006
Les élections de 2006 pourraient être
un point tournant. Le président Fox
et son parti, le PAN, se présentent
sous un programme ouvertement
néolibéral. L’ancien parti dominant,
le PRI, joue la carte du changement,
mais ses politiques sont essentiellement
les mêmes. Reste la gauche, le
PRD, qui est soutenu, quoique d’une
manière critique, par la majorité du
mouvement populaire.
Sous l’égide du populaire maire de
Mexico, le PRD pourrait causer une
grande surprise, du moins c’est ce
que les sondages indiquent actuellement.
Le PAN et le PRI en ont bien
peur et ont tenté par une manoeuvre
juridique d’empêcher la candidature
d’Obrador. Mais des millions de personnes
sont descendues dans les rues
et ont forcé le président Fox à cesser
ses manoeuvres.
Par contre, plusieurs s’interrogent sur
la capacité réelle du PRD à apporter les
changements espérés par les mouvements
populaires. Ce manque de con-
fi ance est lié au bilan de la mairie de
Mexico qui a su bien sûr apporter certaines
améliorations à la vie des gens,
mais de manière très timide et mitigée.
À l’intérieur du système en quelque
sorte. Le sous-commandant Marcos,
dans une récente déclaration, était plutôt
virulent à l’endroit d’Obrador, l’accusant
de maintenir son pouvoir par la
corruption et la manipulation.
Pour le moment, la FSCISP, poussée
par l’UNT, tente de proposer la constitution
d’un grand front national
qui ferait pression sur le PRD pour
qu’il se commette davantage et de
manière plus explicite par un programme
de transformations. Au début
de l’année, plus de 164 organisations
populaires se sont réunies pour élaborer
ce programme et entreprendre le
dialogue avec la direction du PRD.