Radio Okapi : une radio pour la démocratie

mercredi 1er juin 2011, par Émilie Couture-Brière

Dans le cadre du Festival international de cinéma Vues d’Afrique qui se tenait du 28 avril au 8 mai 2011, la boîte de production InformAction présentait un de ses documentaires largement acclamé, Ondes de Choc.

Ondes de choc se situe en République démocratique du Congo (RDC), un pays où les violations des droits humains sont les plus répandues au monde. Tourné en 2006 par deux anciens journalistes de Radio-Canada, Hélène Magny et Pierre Mignault, ce film suit l’histoire de deux reporters de la chaîne congolaise Radio Okapi.

Des journalistes qui n’ont pas froid aux yeux

La caméra suit d’abord Jules Ngala en route pour la région du Nord-Kivu, laquelle est régulièrement le théâtre de violents conflits. Ngala se rend dans les villages, rencontre la population locale et surtout, donne la parole aux plus démunis. Interrogeant un homme dont les soldats ont pillé la maison, il confie avoir parfois de la difficulté à poursuivre son métier de journaliste et à garder son sang-froid devant tant de détresse.

Le documentaire nous plonge ensuite dans l’univers d’André Kitenge, journaliste à Kisangani, au nord du pays. Kitenge enquête quant à lui sur les « tracasseries » du fleuve Congo. Les commerçants maritimes et les habitants de la région se plaignent des escroqueries et des menaces armées opérées par les forces militaires qui les interceptent à des endroits stratégiques du fleuve Congo. « Maintenant, les gens se sont débarrassés de leur peur. Ils viennent et parlent à la radio. Ils acceptent que vous citiez leur nom et que leur voix soit diffusée », déclare le journaliste.

Une première radio nationale au Congo

Fondée en 2002 par la Fondation Hirondelle, basée en Suisse, et la MONUC (mission de maintien de paix de l’ONU en RDC), Radio Okapi est devenue la première radio nationale avec huit stations régionales. Elle permet enfin de créer une unité dans un pays dont la superficie est aussi grande que le Québec et l’Ontario réunis. « Quand il y a un problème de violence, celle faite aux femmes par exemple, l’information passe directement à la radio. On conscientise les gens, même les militaires, et ça permet de trouver des solutions », raconte un homme interviewé dans un village. « Nous sommes cultivés à travers cette radio ! », s’exclame un autre homme.

Ondes de choc est un témoignage touchant sur le courage des journalistes de Radio Okapi qui, au péril de leur vie, dénoncent les pires exactions dont sont victimes les populations congolaises (meurtre, viol, pillage). « Notre arme, c’est le micro ! », déclare Jules Ngala. Après trente ans de dictature sous Mobutu, où la liberté d’expression était grandement limitée, et cinq années de guerre qui ont fait plus de 4 millions de morts, Radio Okapi incarne l’émergence, bien que difficile, de la liberté de presse et de la démocratie en RDC.

« Parce que les choses sont dites publiquement, Radio Okapi constitue un élément crucial dans l’avènement d’un état de droit au Congo. », souligne la journaliste Hélène Magny en guise de conclusion. « Radio Okapi est adorée par la population locale. Elle est souvent l’unique source d’information dans les villages », affirme-t-elle. La journaliste a cependant certaines réserves face à l’avenir du pays : « pour ramener la paix en RDC, il reste encore beaucoup à faire. Il faudrait notamment rétribuer les militaires qui, sans le sou, continuent de s’en prendre à la population locale. »

Onde de choc s’est vu remettre le prix de l’ACDI du meilleur documentaire canadien sur le développement international à Hot Docs 2008 et le Prix du film le plus susceptible de changer le monde à Detroit Docs 2007. Il a également été finaliste aux Prix Gémeaux du meilleur documentaire, catégorie Société en 2008.

Quelques mots sur la boîte de production InformAction

La vocation de la boîte québécoise de production InformAction, avec ses premiers films, a été d’attirer l’attention sur des situations ou des communautés à travers le monde qui avaient en commun d’être ignorées par les médias. Comme le témoigne Ondes de choc, InformAction conserve encore aujourd’hui l’empreinte de ses premiers reportages : s’ouvrir aux enjeux internationaux, faire connaître des conflits ignorés par les médias, prendre parti contre la violation des droits de la personne dans des pays qui ne font jamais les manchettes, et ce, surtout dans les sociétés en voie de développement.

Le duo de journalistes Hélène Magny et Pierre Mignault a d’ailleurs produit avec InformAction un autre documentaire à saveur politique : Birmanie l’indomptable, la résistance d’un peuple. Un documentaire percutant dans lequel les deux journalistes sont entrés clandestinement en Birmanie escortés par des rebelles karens. Ils ont documenté la situation des populations birmanes réfugiées dans la jungle pour échapper aux massacres et à l’esclavage imposé par le régime militaire. Birmanie l’indomptable a été présenté en mars 2010 à l’occasion Festival de films sur les droits de la personne de Montréal

Il est possible de visionner le documentaire Ondes de choc à la CinéRobothèque de l’ONF au 1564, rue Saint-Denis à Montréal. Les autres documentaires d’InformAction sont accessibles via le site internet : http://www.informactionfilms.com/fr/index.html.

photo (droite et gauche) : Pierre Mignault © InformAction Films inc /
photo (milieu) Richard Laferrière © InformAction Films inc.

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