Quelle légitimité pour le G8 ?

dimanche 27 avril 2003, par Gustave Massiah

Le G8 se réunira, en France, à évian, du 1er au 3 juin 2003. C’est la 28e fois, depuis 1975, que les chefs d’État et de gouvernement des pays les plus riches et les plus puissants du monde se réunissent chaque année pour discuter ensemble des grands problèmes. Progressivement, ce groupe de dirigeants est devenu une institution mondiale. Les résistances et les contestations ont pris un nouvel élan au cours des dernières années, avec l’émergence du mouvement altermondialisation. Elles éclairent la nature de ce groupe dirigeant et les conséquences des politiques qu’il préconise.

Au départ, l’objectif du club était de permettre aux dirigeants de discuter de leurs problèmes et de trouver des solutions à leurs conflits et leurs contradictions. Il s’agissait de discuter de la récession des années 70, des crises monétaires et pétrolières. Aujourd’hui, avec la crise de l’économie mondiale et de la pensée libérale et, surtout, avec la guerre américaine voulue et imposée, les contradictions reprennent le dessus et pèsent sur l’avenir de l’institution.

La mondialisation est un processus contradictoire, le G8. Il a orchestré la mise en œuvre par les dirigeants des pays dominants d’une stratégie de reconquête. D’une part, il s’est attaqué à la décolonisation, à travers la gestion de la crise de la dette et en s’appuyant sur le discrédit de régimes répressifs et corrompus. Il s’est aussi attaqué au soviétisme, à travers la course aux armements et l’idéologie spectaculaire des droits de l’homme, en s’appuyant sur le discrédit des régimes qui avaient nié les aspirations démocratiques. Cependant, il s’est aussi attaqué au compromis social de l’après-guerre, à travers une offensive contre le salariat, en tant que statut social, et en s’appuyant sur les politiques de libéralisation et les privatisations, l’affaiblissement de la régulation publique, des États et du contrôle citoyen.

Un par un, et tous ensemble, les dirigeants des pays les plus riches ont imposé des politiques et fait évoluer, dans le sens de leurs intérêts, l’organisation du système économique mondial. Leur responsabilité est engagée quant à l’évolution de la situation, du fait des orientations des politiques imposées et de la nature des moyens utilisés pour les mettre en œuvre.

Mais la contestation qui s’affirme dans le mouvement altermondialisation ne porte pas seulement sur la nature des politiques, et donc de leurs conséquences sur les conditions de vie des populations du monde ; elle porte aussisur la nature de cette institution mondiale. Un petit groupe de chefs d’État représentant les privilégiés de la planète ne peut pas s’arroger le monopole de décider pour tous. Il y a un déni profond de la démocratie par une institution internationale qui se réfugie derrière un contestable pouvoir des experts, qui ne connaît aucun contrôle et qui est coupé de toute instance représentative. À ceux qui répètent à l’envi que les dirigeants du G8 ont été élus démocratiquement, nous devons rappeler que ces dirigeants, même s’ils ont été élus pour gouverner leur pays, ne sont pas mandatés pour gouverner le monde.

C’est pourquoi le mouvement altermondialisation en est venu à mettre en avant l’illégitimité du G8 à s’arroger un rôle dirigeant dans la conduite d’une politique mondiale. Le fait que les membres de ce club des riches et des puissants soient tous, à l’exception du Canada, d’anciennes puissances coloniales est, dans ce sens, une circonstance aggravante !


Gustave Massiah, membre fondateur du Cedetim

Extraits du livre Le G8 illégitime, éditions Mille et une nuits, à paraître en mai 2003.

Cedetim : Centre d’études et d’initiatives de solidarité international.

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