Quel avenir pour Québec solidaire ? La voie de la rupture démocratique

samedi 17 mai 2014, par Pierre Mouterde

Les ré­sul­tats ob­tenus par Québec So­li­daire aux der­nières élec­tions comme le fait qu’il n’y aura pas de nou­velles élec­tions d’ici 4 ans in­vitent à s’interroger sur le type d’intervention que ce parti de­vrait pri­vi­lé­gier au cours des pro­chaines an­nées. Ce texte – en cher­chant à aller sur le fond[1] – vise à pro­poser quelques pre­miers ja­lons en la matière.

Au terme de cette cam­pagne élec­to­rale de mars et avril 2014, les ques­tions res­tent nom­breuses pour les par­ti­sans de Québec So­li­daire. Certes Q.S. a connu cer­tains ré­sul­tats en­cou­ra­geants (une crois­sance de 1,7 %, une dé­putée de plus, etc.!), mais lorsqu’on cherche à se pro­jeter dans l’avenir et à ré­flé­chir aux réelles chances d’une for­ma­tion po­li­tique de gauche comme Q.S., on reste hanté par bien des interrogations.

Par exemple, devrait-on se contenter de l’idée très simple qu’à chaque nou­velle cam­pagne on ac­cu­mule quelques nou­veaux dé­putés en at­ten­dant le jour (loin­tain ?) où – « vague orange/Québec so­li­daire » en prime – on en aura assez pour gou­verner et en­clen­cher la mise en route du pro­gramme de Q.S.?

Doit-on au contraire ima­giner qu’on res­tera un parti à la marge – certes sym­pa­thique (an­gé­lique, di­ront cer­tains) – mais juste bon à épicer les dé­bats et à avancer quelques idées gé­né­reuses, une sorte de sel de la terre inoffensif ?

Ou autre pos­si­bi­lité en­core : doit-on se dire qu’on n’arrivera ja­mais au pou­voir (au gou­ver­ne­ment) si on ne mâ­tine pas notre pro­gramme d’une bonne dose de réa­lisme – en col­lant plus aux idées qui sont do­mi­nantes – et no­tam­ment si on ne se ré­fère pas plus ex­pli­ci­te­ment aux idéaux de la social-démocratie ou plus exac­te­ment de ses ori­peaux contem­po­rains, le social-libéralisme[2], seule voie ap­pa­rente pour penser à des ré­formes réa­li­sables dans le contexte du ca­pi­ta­lisme de l’Amérique du Nord ?

Ce texte cherche à ex­plorer une autre voie ; une voie qui – loin tout à la fois de la ten­ta­tion social-libérale et de la chi­mère d’un grand soir (ima­giné pour de­main) – pour­rait servir de cadre de ré­fé­rence à une pos­sible stra­tégie de Q.S. pensée sur le long terme ; une stra­tégie qui tout en pre­nant en compte le réel des rap­ports de force so­ciaux et po­li­tiques (tels qu’ils se donnent aujourd’hui au Québec), n’abdiquerait pas de sa vo­lonté de vou­loir y faire naitre – ainsi que son pro­gramme le pro­pose – une so­ciété sou­cieuse de jus­tice so­ciale qui soit tout à la fois fé­mi­niste, in­dé­pen­dan­tiste, al­ter­mon­dia­liste et éco­lo­giste. Nous ap­pel­le­rons cette voie, la voie de la rup­ture démocratique.

Le contexte de fond qui dé­ter­mine tout

Il faut bien sûr partir du contexte qui est le nôtre pour en prendre acte loin de tout « mi­rage jo­via­liste » : celui d’une hé­gé­monie néo­li­bé­rale gran­dis­sante (ce qui est loin d’être une bonne af­faire pour un parti de gauche !) et au-delà d’une re­lance du ca­pi­ta­lisme glo­ba­lisé à l’échelle du monde dont la poussée des pays émer­gents – Chine en tête – en se­rait l’expression la plus ma­ni­feste. Avec ce­pen­dant quelques bé­mols non né­gli­geables : cette re­lance ne se fait pas sans crises ni se­cousses im­por­tantes (voir la crise fi­nan­cière de 2008) ou dé­gâts éco­lo­giques ré­cur­rents (Deepwater-Horizon [2010], Fu­ku­shima [2011], etc.), et sans non plus d’importantes ré­ac­tions col­lec­tives, certes conjonc­tu­relles ou éphé­mères, mais mas­sives comme par exemple le mou­ve­ment des in­di­gnés ou le mou­ve­ment du prin­temps Érable au Québec ou en­core le Prin­temps arabe. Des ré­ac­tions qui néan­moins ne par­viennent pas à trouver des dé­bou­chés po­li­tiques du­rables, ni non plus à ac­croître sur le moyen terme leur in­fluence, tant il y a tout à la fois dé­ficit dé­mo­cra­tique et crise de la re­pré­sen­ta­tion po­li­tique, et tant pèsent en­core dans l’inconscient col­lectif les mo­nu­men­taux échecs so­ciaux po­li­tiques du cycle his­to­rique pré­cé­dent, ceux du com­mu­nisme, de la social-démocratie et du nationalisme-populaire.

Cette ra­pide des­crip­tion des grands pa­ra­mètres de la pé­riode dans la­quelle nous nous trou­vons, nous rap­pelle donc que la si­tua­tion ob­jec­tive n’est a priori guère fa­vo­rable à des chan­ge­ments struc­tu­rels ra­pides, donc à des po­li­tiques de rup­tures, tant non seule­ment de larges sec­teurs de la po­pu­la­tion ne sont pas ac­quis à cette idée, mais tant aussi les élites do­mi­nantes éco­no­miques, po­li­tiques et cultu­relles y sont pro­fon­dé­ment op­po­sées (leur façon de ré­gler la crise fi­nan­cière de 2008 en étant l’indice le plus sûr !). En termes clairs cela veut dire que les idées phares de l’actuel pro­gramme de Q.S., tel par exemple qu’il a été pré­senté lors de la cam­pagne (la marche à l’indépendance, le refus du vi­rage pé­tro­lier, l’impératif de la jus­tice so­ciale, etc.), n’ont guère de chance de de­venir – en elles-mêmes et pour elles-mêmes – des idées fa­ci­le­ment adop­tées par tous et toutes.

À l’ère néo­li­bé­rale, la so­ciété n’est qu’un champ de forces

Il y a un autre élé­ment im­por­tant à prendre en compte, un élé­ment qu’à Q.S. on ne me­sure pas tou­jours à sa juste va­leur : ce n’est pas parce qu’une idée est bonne et co­hé­rente, et qui plus est « noble » (l’idéal de la jus­tice so­ciale) qu’elle sera pour au­tant fa­ci­le­ment ac­ceptée. En somme, ce n’est pas parce qu’une idée po­li­tique est bien ex­posée (avec clarté, etc.) et qu’elle est en elle-même convain­cante, qu’elle va à tout coup ral­lier de larges pans d’électeurs. Dans une col­lec­ti­vité comme celle du Québec de l’ère néo­li­bé­rale, les idées passent tou­jours par le tamis des in­té­rêts et donc des af­fects (pour re­prendre une ex­pres­sion de Spi­noza). Elles dé­pendent en der­nière ins­tance de lo­giques d’intérêts et de la po­si­tion de force qu’elles peuvent oc­cuper au sein d’une for­ma­tion so­ciale donnée.

Ainsi, s’il y a au Québec une très claire hé­gé­monie néo­li­bé­rale (le ca­té­chisme néo­li­béral est si pré­sent par­tout, en santé, en édu­ca­tion, en culture, etc.), c’est moins suite à la va­leur des idées qu’elle in­carne, qu’au fait que ces der­nières sont l’expression des in­té­rêts de groupes so­ciaux et éco­no­miques qui sont par­venus à s’imposer so­cia­le­ment et po­li­ti­que­ment. En somme ces groupes d’intérêts sont de­venus si do­mi­nants et hé­gé­mo­niques (éco­no­mi­que­ment, so­cia­le­ment, po­li­ti­que­ment) que leurs idées ont même fini par être adop­tées (et dé­si­rées) par de larges sec­teurs de la po­pu­la­tion qui pour­tant n’y trouvent pas d’intérêts di­rects, no­tam­ment en ne bé­né­fi­ciant d’aucun des pri­vi­lèges et avan­tages que les puis­sants (le 1 %) ont pu ces der­nières an­nées lar­ge­ment conforter.

La né­ces­saire ba­taille culturelle

On pour­rait ra­jouter qu’à l’ère néo­li­bé­rale, la ba­taille prend une di­men­sion émi­nem­ment cultu­relle et idéo­lo­gique. Déjà dans les an­nées 30 (au cycle his­to­rique pré­cé­dent), An­tonio Gramsci nous avait ap­pris à en tenir compte : une classe pour rester do­mi­nante aux sein d’une for­ma­tion so­ciale donnée doit non seule­ment dis­poser de la force (le pou­voir exé­cutif gou­ver­ne­mental, les ap­pa­reils ré­pres­sifs, etc.), mais aussi du consen­te­ment (dis­poser de la lé­gi­ti­mité et de l’appui ta­cite des ins­tances idéo­lo­giques, cultu­relles, re­li­gieuses exis­tantes). Elle doit donc dis­poser de la puis­sance de l’appareil d’État mi­li­taire ou po­li­cier, mais aussi et sur­tout ga­gner la ba­taille des idées et des ar­gu­ments pour faire par­tager sa vi­sion du monde et s’arranger qu’elle de­vienne celle de tous et toutes.

Le poids gran­dis­sant et « to­ni­truant » des mé­dias – dans la for­ma­tion de l’opinion pu­blique, dans le dé­rou­le­ment d’une cam­pagne, dans la consti­tu­tion des rap­ports de force, etc. – en est à sa ma­nière l’expression néo­li­bé­rale. Il nous oblige d’ailleurs à penser la lutte so­ciale comme une lutte se don­nant dans de mul­tiples sec­teurs de la so­ciété et dont il ne faut ou­blier aucun (à quand au Québec, un média de masse fa­vo­rable à la gauche ?).

Il s’agit donc de ne pas mener seule­ment la lutte au par­le­ment, ou dans la rue, ou en­core dans l’entreprise, mais par­tout : à l’école, dans les ins­ti­tu­tions éta­tiques et para-étatiques, dans les syn­di­cats, dans les mé­dias, etc. Par­tout, il y a des es­paces dé­mo­cra­tiques à élargir ou ap­pro­fondir, des contre-pouvoirs à consti­tuer, ce qu’on pour­rait ap­peler – en sui­vant Gramsci – un mou­ve­ment de contre-hégémonie à re­lancer puis à ren­forcer et faire croître.

Mais quel genre de parti est donc Q.S. ?

Dans ce contexte, com­ment se situe Q.S.? Parti de gauche plu­riel, à sa ma­nière aty­pique, parti « post-chute du mur de Berlin », Q.S. a connu au point de dé­part une ap­proche plus prag­ma­tique qu’idéologique. Ce parti s’est donc constitué d’abord en vou­lant ré­pondre à une puis­sante as­pi­ra­tion uni­taire pro­ve­nant de di­vers groupes et sen­si­bi­lités de gauche, tout en se fai­sant l’écho des mou­ve­ments so­ciaux dont étaient issus ses membres fon­da­teurs ainsi qu’en cher­chant à ré­pondre en pre­mier lieu aux ques­tions im­mé­diates que pou­vaient se poser ses mi­li­tants dans le contexte du Québec. D’où ses vo­lontés fé­mi­nistes, al­ter­mon­dia­listes, éco­lo­gistes, in­dé­pen­dan­tistes, ses as­pi­ra­tions à la jus­tice so­ciale et à la dé­mo­cratie par­ti­ci­pa­tive. Vo­lontés dont on voit bien ce­pen­dant com­ment elles ap­pellent des trans­for­ma­tions struc­tu­relles qui heurtent de plein fouet le fonc­tion­ne­ment de la so­ciété ca­pi­ta­liste néo­li­bé­rale du Québec.

Il est vrai que l’orientation gé­né­rale de Q.S. doit aussi être nuancée par la re­la­tive in­dé­ter­mi­na­tion de son pro­gramme éco­no­mique (éco­nomie so­ciale, éta­tique, privée : la­quelle prime ?), par le fait que, même si une de ses bro­chures évoque l’idée d’un dé­pas­se­ment du ca­pi­ta­lisme, il n’est fait nulle part ré­fé­rence à l’idéal so­cia­liste (fut-il du 21e siècle[3] !). Elle doit aussi être re­la­ti­visée en fonc­tion de la façon dont Q.S. s’est « dans les faits » construit et fonc­tionne (l’utilisation du code Morin, la ré­fé­rence aux tra­di­tions syn­di­cales ou com­mu­nau­taires, sa pra­tique d’abord élec­to­ra­liste, etc.) ainsi que de la façon dont ce parti tend sou­vent à pri­vi­lé­gier au point de dé­part une lo­gique com­mu­ni­ca­tio­nelle qui in­siste sur la forme plus que sur le fond et en vient à ré­pondre aux ques­tions sur un mode tou­jours conjoncturel.

Il est re­mar­quable aussi que l’idéal social-démocrate (ou ce qu’il en reste sous la forme de social-libéralisme) n’ait ja­mais été – ou pas en­core – re­ven­diqué comme tel, même s’il existe cer­tains de ses re­pré­sen­tants qui en dé­fendent la per­ti­nence. Et même si plus ré­cem­ment Fran­çoise David et Andres Fon­te­cilla ont uti­lisé ex­pli­ci­te­ment le terme lors d’un pre­mier bilan de la cam­pagne[4]. On le voit donc bien : Q.S. reste un parti ou­vert et plu­riel, un parti/processus dont les grandes orien­ta­tions sont loin d’être en­core to­ta­le­ment dé­fi­nies et qui pour­rait donc dé­river fa­ci­le­ment dans un sens ou dans un autre.

Pour­quoi penser la transition

Il faut rap­peler que nous sommes sortis – lors la dé­cennie des an­nées 80 – d’un long cycle de luttes socio-politiques qui, selon des pen­seurs comme Wal­ler­stein ou Ar­righi[5], s’est initié en 1848 et après avoir été ca­pable de faire naître jusqu’à des États aux pré­ten­tions so­cia­listes, s’est bru­ta­le­ment ef­fondré en 1989 avec la chute du mur de Berlin, la dis­lo­ca­tion de l’URSS puis la dis­pa­ri­tion des pays dits so­cia­listes, en­trai­nant dans son sillage une for­mi­dable crise des al­ter­na­tives so­cio­po­li­tiques au­tour des­quelles s’étaient cris­tal­li­sées les op­po­si­tions au capitalisme.

Les mêmes causes pro­dui­sant les mêmes ef­fets et puisque le ca­pi­ta­lisme de­puis la fin des an­nées 80, loin de dis­pa­raître, s’est re­dé­ployé en­core plus lar­ge­ment, on peut donc ima­giner que les mou­ve­ments de ré­bel­lions et de ré­sis­tances de masse que ce mode de pro­duc­tion avait fait naître et croître peu à peu aux 19e et 20e siècles, risquent bien de se re­cons­ti­tuer. Mais évi­dem­ment ils le fe­ront sur la base d’un nou­veau cycle his­to­rique qui a sa propre dy­na­mique et qui tout en don­nant l’impression de tout re­com­mencer à neuf, se trouve néan­moins pro­fon­dé­ment en­ra­ciné dans le passé, in­fluencé par les bons coups comme les échecs qui se sont donnés au cycle pré­cé­dent. Aussi si l’on veut par­ti­ciper ac­ti­ve­ment à ce re­dé­ploie­ment des ré­sis­tances et dans leur sillage à l’approfondissment d’espaces dé­mo­cra­tiques et à la re­cons­ti­tu­tion de pou­voirs contre-hégémoniques chaque fois plus im­por­tants, il faut comme l’indique Al­berto Tos­cano[6] être ca­pable de penser son ac­tion sur le mode de la tran­si­tion, et même de la tran­si­tion longue et tra­gique. Seule ma­nière de penser la trans­for­ma­tion du réel tel qu’il se donne pra­ti­que­ment à nous, en n’en res­tant pas au do­maine de l’utopie chi­mé­rique, ni en se ra­bat­tant sur le seul et hy­po­thé­tique sur­gis­se­ment d’un évé­ne­ment ré­vo­lu­tion­naire (dans la li­gnée de Ran­cière, Ba­diou, et de bien des re­pré­sen­tants du mou­ve­ment li­ber­taire, etc.).

Que veut dire penser la transition

  • C’est cher­cher à avoir le re­gard qui porte au loin, en ne se conten­tant pas de voir les choses seule­ment, une ou deux élec­tions en avant.
  • C’est pointer du doigt le for­mi­dable dé­ficit dé­mo­cra­tique qui ta­raude nos so­ciétés contem­po­raines et qui fait que d’immenses ma­jo­rités ont fini par ne plus avoir au­cune prise sur leur destin, pri­vées de voix et de moyens pour se faire en­tendre et reconnaître.
  • C’est se poser la ques­tion du dé­pas­se­ment du ca­pi­ta­lisme : com­ment peut-on vé­ri­ta­ble­ment y ar­river, sur­tout si l’on pense que ce mode de pro­duc­tion est res­pon­sable non seule­ment de crises et d’injustices no­toires, mais aussi de dé­gats en­vi­ron­ne­men­taux de plus en plus pré­oc­cu­pants pour l’avenir de la pla­nète elle-même.
  • C’est cher­cher à dé­passer la si­tua­tion so­ciale et po­li­tique telle qu’elle s’offre à nous aujourd’hui, en nous don­nant les moyens de faire évo­luer les rap­ports de force so­cio­po­li­tiques en notre fa­veur, de ma­nière à être par la suite en meilleure po­si­tion et condi­tion pour aller plus loin.
  • C’est par­ti­ciper à la créa­tion de tou­jours plus de mo­bi­li­sa­tions so­ciales, de ca­pa­cité de luttes, de pou­voir d’affirmation des gens d’en bas, des sec­teurs po­pu­laires, des classes dites moyennes, de ces 99 % de la po­pu­la­tion dont les in­té­rêts ne sont pas pris en compte par les dy­na­miques néo­li­bé­rales contemporaines.

En somme c’est par­ti­ciper à la re­lance d’un vaste mou­ve­ment so­cial de re­prise de contrôle col­lectif sur la so­ciété et de re­cons­ti­tu­tions de contre-pouvoirs col­lec­tifs (un double pou­voir en germe), mais orien­tées au­tour de la réa­li­sa­tion de trans­for­ma­tions struc­tu­relles pen­sées sur le long terme.

C’est donc par­ti­ciper à la re­cons­truc­tion d’une com­mu­nauté d’intérêts, d’un vaste camp (celui de la ma­jo­rité, des gens d’en bas), en fa­vo­ri­sant par­tout où c’est pos­sible l’unité la plus large contre le néo­li­bé­ra­lisme et les liens « po­pu­listes » et in­ces­tueux qui ont fini par unir cer­tains sec­teurs po­pu­laires aux élites au pou­voir. C’est ainsi tra­vailler à rompre avec le sys­tème en place, mais sur le mode dé­mo­cra­tique, c’est-à-dire en s’appuyant sur la mo­bi­li­sa­tion so­ciale et po­pu­laire et la consti­tu­tion de contre-pouvoirs en marche. Telle est la voie de la rup­ture démocratique.

Penser la tran­si­tion, c’est ainsi ne plus op­poser ce que l’on a ten­dance à penser de ma­nière contra­dic­toire : l’exercice du pou­voir au quo­ti­dien d’un côté, et de l’autre la prise de pou­voir ; ou alors d’un côté la pé­riode avant l’arrivée au gou­ver­ne­ment, et de l’autre celle qui lui suc­cè­dera ; ou en­core ce qui d’un côté se passe au Québec, et ce qui de l’autre se passe à l’étranger[7], etc. Penser la tran­si­tion, c’est unir tous ces élé­ments dans une stra­tégie d’ensemble, en tra­vaillant à la rup­ture dé­mo­cra­tique, mais sur le long terme, en sa­chant qu’il y a des seuils, des sauts qua­li­ta­tifs, des « bonds de tigre » où les choses brus­que­ment s’accélèrent (no­tam­ment lors de l’arrivée au gou­ver­ne­ment, mais pas seule­ment, lors de crises so­ciales aussi), et aux­quelles il faut se pré­parer pour se trouver par la suite en meilleure po­si­tion pour réa­liser les ob­jec­tifs qu’on s’est donnés sur le long terme.


Voir en ligne : Version originale sur Nouveaux cahiers du socialisme


Pierre Mou­terde est so­cio­logue et essayiste.

À propos de Pierre Mouterde

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