Élections à Montréal :

Qu’est devenue la Ville sanctuaire ?

mardi 24 octobre 2017, par Michel LAMBERT

En février dernier, Denis Coderre forçait l’adoption rapide du nouveau statut de Ville sanctuaire pour Montréal. Bien que pas un jour ne passe sans que les enjeux de l’intégration sociale ne fassent les manchettes, force est de constater qu’aucun des partis politiques en lice à Montréal ne profite de la présente campagne électorale pour revisiter la question. Pas un mot de la part du maire sortant ou même de son Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montreal (BINAM) sur ce qui pourrait avoir déjà été fait ou ce qui serait planifié pour assurer le caractère sanctuaire de la Ville, au-delà des déclarations de l’hiver dernier. Pas d’échéancier clair, pas de rapport des consultations qui ont été menées. Aucune référence non plus provenant de Projet Montréal concernant ce que la candidate Plante souhaiterait mettre en place pour éventuellement remplir avec des mesures concrètes l’immense vide qu’a créé une déclaration trop rapide, sans mesures réelles. Pourquoi un problème aussi fondamental apparaît-il aujourd’hui relégué aux oubliettes ?

D’opportunisme en opportunistes

Quelques jours après l’entrée en vigueur de la triste loi 62 visant tout spécifiquement quelques dizaines de femmes immigrantes à l’échelle de tout le Québec, nous ne pouvons que conclure qu’en matière d’intégration sociale, nos politicien.ne.s ne semblent réagir qu’à des enjeux politiques qui ne correspondent pas aux besoins réels des populations concernées. La nouvelle loi anti-niqab du Parti libéral ne survivra pas aux premières contestations juridiques et n’a en bout de piste qu’une finalité électorale myope. De la même manière, la déclaration originale de Denis Coderre ne visait pas non plus à faciliter l’intégration des personnes sans statut sinon qu’elle répondait au premier décret migratoire de Donald Trump. Concrètement, le maire ne s’adressait pas alors aux Montréalais.e.s sans statut mais pavoisait plutôt devant les autres maires nord-américains.

Condamnés au pire ?

Or, la situation sur le terrain paraît avoir peu changée pour les personnes sans statut à Montréal. Tout indique que leur nombre irait en croissance dans les mois et années à venir. Ces personnes auront des familles pour qui l’accès à l’habitation et à la santé demeureront un problème. Malgré les déclarations de Phillippe Couillard qui encore l’an dernier promettait de régler spécifiquement cette situation, et malgré l’appel de Denis Coderre qui demandait en février dernier à Québec de faire davantage à ce niveau, les personnes sans statut auront des enfants à qui on continuera de refuser l’accès à l’éducation. Des dizaines de milliers de personnes continueront ainsi de craindre les interactions avec les services publics, notamment ceux avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et ce malgré la déclaration de février dernier sur la Ville sanctuaire qui précisait que la Commission de la sécurité publique aurait pour tâche d’élaborer, avec le SPVM, une approche pour s’assurer qu’une personne sans statut légal dans une situation de vulnérabilité puisse avoir accès aux services de sécurité publique municipaux sans risque d’être dénoncée aux autorités d’immigration ou déportée.

D’une manière générale, si l’on ne s’intéresse aux problèmes des personnes sans statut que lorsque les manchettes le réclament où lorsqu’une autre formation politique cherche à instrumentaliser la question, la situation ne pourra qu’empirer. Nous devons exiger davantage pour Montréal.

Le silence de l’opposition

S’il est à la limite peu surprenant que Denis Coderre choisisse aujourd’hui de faire oublier les enjeux de la Ville sanctuaire, il en est tout autrement du Parti Projet Montréal de Valérie Plante qui semble monter actuellement dans les intentions de vote et qui se présente aujourd’hui comme une alternative progressiste.

Neuf mois sont passés depuis l’adoption par le Conseil de ville du statut de ville-sanctuaire et depuis, Projet Montréal n’a pas su faire d’autre intervention que celle de dénoncer une décision trop rapide du Maire Coderre sur le projet de Ville sanctuaire, suivie plus récemment d’une position confuse sur la loi 62. Si nous sommes en accord avec le fait que le maire sortant s’est contenté d’une mesure d’apparat en février dernier ; nous devons demander mieux d’un parti qui se veut progressiste et qui souhaite diriger la ville pour les prochaines quatre années. Projet Montréal se doit d’être en mesure de proposer une solution à la situation actuelle, une solution qui ne soit pas une improvisation électoraliste, mais qui visera à vraiment assurer une plus grande protection pour les personnes sans statut à Montréal.

À propos de Michel LAMBERT

Co-fondateur en 1994 puis Directeur général d’Alternatives entre 2007 et 2020, Michel Lambert fut Président de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale de 2017 à 2020. Il a travaillé au rapprochement des groupes et organisations de la société civile, d’ici et d’ailleurs pour la promotion des principes de la démocratie, de l’égalité et de l’équité pour tous.

Il a tour à tour développé plusieurs des programmes de solidarité internationale d’Alternatives en plus de lancer et animer de multiples campagnes de justice sociale au Québec et au Canada. Il a dirigé l’antenne d’Alternatives en République démocratique du Congo entre 2002 et 2005 avant de prendre la direction de l’organisation en 2007.

Michel Lambert fut membre du Conseil de Gouvernance d’Alternatives International , du Conseil d’administration d’Alliance syndicats et tiers-monde. Il a aussi été membre des Conseils de l’AQOCI entre 2009 et 2013, de l’Association pour le progrès des communications (APC) entre 2008 et 2011 puis entre 2017 et 2020 et de Food Secure Canada entre 2009 et 2012

Il a représenté Alternatives au Conseil International du Forum social mondial et au sein de diverses coalitions québécoises et canadiennes dont notamment, les coalitions Pas de démocratie sans voix, Voices/voix. le Réseau québécois de l’intégration continentale - RQIC et plus récemment au comité de coordination du Front commun pour la transition énergétique .

Michel Lambert a joué un important rôle de mobilisation et de construction lors du Forum social des peuples tenu à Ottawa en août 2014 .

En 2018, il confondait Cultiver Montréal, le réseau des agricultures montréalaises.

En 2020, il a contribué à la création du FISIQ, le Fonds d’investissement solidaire international du Québec.

Suivez Michel Lambert sur Twitter

Vous avez aimé cet article?

  • Le Journal des Alternatives vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.

    Je donne

Cet article est classé dans :

Partagez cet article sur :

  •    

Je m’abonne

Recevez le bulletin mensuel gratuitement par courriel !

Je soutiens

Votre soutien permet à Alternatives de réaliser des projets en appui aux mouvements sociaux à travers le monde et à construire de véritables démocraties participatives. L’autonomie financière et politique d’Alternatives repose sur la générosité de gens comme vous.

Je contribue

Vous pouvez :

  • Soumettre des articles ;
  • Venir à nos réunions mensuelles, où nous faisons la révision de la dernière édition et planifions la prochaine édition ;
  • Travailler comme rédacteur, correcteur, traducteur, bénévole.

514 982-6606
jda@alternatives.ca