Depuis février, les enseignants et les enseignantes à l’œuvre dans les écoles de la Palestine ne sont pas payés. Leur salaire couvrait un peu plus que les besoins essentiels, mais ils étaient considérés comme privilégiés dans le contexte de la catastrophe actuelle. En effet, plus de 50 % de la population est sans travail. Selon l’ONU, les deux tiers des Palestiniens vivent sous le seuil de la pauvreté. À Gaza et dans les camps de réfugiés de Cisjordanie, les jeunes et les mères souffrent d’anémie, attrapant tous les microbes qui passent. L’Autorité nationale palestinienne n’a plus rien depuis qu’Israël et ses alliés occidentaux ont décidé de geler les fonds.
« Généreusement », le gouvernement israélien et ce qu’on appelle encore la communauté internationale annoncent qu’on ne laissera pas les Palestiniens crever. Les camions qui transportent la nourriture de l’Égypte vers Gaza passent au compte-goutte. Pour Tel-Aviv, l’idée est de transformer les Palestiniens en une masse de clochards, de mendiants. « Ils ne mourront pas de faim, mais ils seront à la diète » a déclaré, sérieusement, l’ancien adjoint d’Ariel Sharon, Dov Weissglas.
Mais les stratèges de la répression ne comprennent pas. Les Palestiniens ne capituleront pas. « On a déjà vu le film », explique un enseignant de Ramallah, Refaat Sabah. Depuis 2001 et l’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon, les territoires ont été matraqués. Des milliers de Palestiniens ont été tués et blessés. Présentement, dans les prisons israéliennes, croupissent plus de 9 000 détenus palestiniens, sans procès ni accusation. Emprisonnée par le Mur de l’apartheid, la population est confinée. Passer de Ramallah à Jérusalem (12 kilomètres) peut exiger des heures épuisantes sur des check points agressifs. « Ils ont tout essayé, mais on est trop têtus et on ne lâche pas », affirme Sabah.
En Palestine, le Hamas, avec sa culture militariste et autoritaire, ne correspond pas aux valeurs de la majorité des Palestiniens. Lors de l’élection de janvier dernier, les islamistes ont eu 43 % des votes parce que la population a rejeté l’équipe précédente de Yasser Arafat, qui avait échoué à négocier une paix réelle. Arrivé au pouvoir, on ne sait pas comment ils vont réagir. Depuis plusieurs mois, le Hamas a mis fin à ses opérations militaires. Du côté de la société palestinienne, des voix prônent la modération et la reprise des négociations. Mais il y a quelques semaines à Gaza, l’armée israélienne a déclenché de violents bombardements : cinq obus à la minute pendant près de dix jours, et qui ont fait de nombreuses victimes civiles. Et comme prévu, peu après, des martyrs palestiniens ont tué des pauvres gens à Tel-Aviv. « Œil pour œil, dent pour dent » : tous deviennent à la longue aveugles et édentés.
Les Palestiniens sont excédés lorsqu’on leur demande ce qu’ils pensent de la « communauté internationale ». « C’est une mauvaise blague », raconte Mustafa Barghouti. Le regroupement de démocrates palestiniens qu’il anime, l’Initiative nationale palestinienne, est un peu l’antithèse du Hamas. « Ils ont laissé Ariel Sharon tout mettre à feu et à sang et maintenant ils nous blâment. La solution est à la fois très simple et très compliquée : "la paix contre les territoires". Pas une fausse paix basée sur la colonisation et l’encerclement de la Cisjordanie et de Gaza. Mais une vraie paix avec la fin de l’occupation qui perdure depuis 1967 et la mise en place d’un État, pas d’une série de bantoustans, et qui comprendra l’ensemble des territoires, y compris Jérusalem-Est où résident 250 000 Palestiniens ».
« Les sanctions contre le gouvernement palestinien sont injustes et inacceptables », affirme la coalition des ONG palestiniennes, PNGO. Un peu partout dans le monde, des mouvements de solidarité s’activent pour questionner le boycott décrété contre les Palestiniens. Ce n’est pas le terrorisme qui sera affaibli, au contraire, prétendent les groupes de femmes et les organisations de droits humains. Ce avec quoi plusieurs animateurs du camp de la paix israélien, comme Uri Avnery, sont en accord, et qui pensent que la répression actuelle contre les Palestiniennes va déboucher sur encore plus de violence.
Est-il trop tard ? Des résistants persistent et signent, comme ces médecins israéliens appartenant au Physicians for Human Rights, qui traversent les barrages de l’armée pour aider leurs collègues palestiniens à soigner des malades, bloqués sur les check points.