Une conférence qui se tenait le 2 mai dernier à Lusaka, en Zambie, avait pour thème « L’intégration de l’agriculture biologique dans l’agenda africain de développement ». Elle a accueilli 300 participants provenant de 35 pays. Les sujets principaux étaient l’importance de la sécurité alimentaire et l’agriculture durable.
« L’agriculture biologique peut offrir un ensemble impressionnant d’avantages économiques et environnementaux, tout en améliorant la sécurité alimentaire pour les pays du Sud, incluant en Afrique » affirme Petko Draganov, secrétaire général adjoint de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) lors de la seconde Conférence Africaine sur l’agriculture biologique.
Pour ces raisons, les 300 participants à la Conférence ont pressé les gouvernements des nations africaines d’inclure l’agriculture biologique au cœur de leurs politiques et programmes sociaux.
Dans le contexte où les principaux marchés pour les produits biologiques sont l’Europe et l’Amérique du Nord, quels seraient les bénéfices pour les fermiers d’augmenter la production en Afrique qui s’écoulerait vraisemblablement à l’étranger ? Il se trouve plus de fermes biologiques, certifiées ou non, en Afrique que sur tout autre continent. Est-ce que l’accent mis sur l’agriculture biologique n’est qu’une autre excuse pour les organisations de l’Occident d’éviter de se tourner vers des solutions plus écologiques tout en imposant leur vision du développement durable sur les pays du Sud ?
L’Afrique exclue des avancées scientifiques ?
Robert Paarlberg, professeur au Wellesley College aux États-Unis, soutient que les gouvernements et ONG de l’Ouest ont préconisé l’usage couteux des techniques d’agriculture biologique plutôt que de promouvoir l’usage des plantes génétiquement modifiées et des pesticides chimiques. Dans son livre Starved for Science : How Biotechnology is Being Kept Out of Africa, il soutient qu’alors que seul 1% des terres arables en Amérique du Nord et 4% en Europe sont dédiés à l’agriculture biologique, les pays d’Afrique sont pressés de cultiver de cette manière.
Bill Gates se présente en défenseur des biotechnologies comme moyen d’améliorer la sécurité alimentaire. Lors d’une présentation au prix mondial de l’alimentation en 2009, l’homme d’affaire et philantrope soutenait que pour « développer des plantes qui peuvent croitre en temps de sécheresse, qui peuvent survivre les inondations et qui puissent résister aux pestes et aux maladies, nous avons besoin d’augmenter les récoltes sur le même terrain mais en prenant compte des extrêmes climatiques. Et nous ne pourrons jamais y parvenir sans investir en urgence dans la recherche scientifique pour augmenter la productivité. »
L’agriculture biologique : Mieux adaptée aux réalités locales
À l’autre extrémité du spectre, la conclusion de l’Évaluation internationale des connaissances, sciences et technologies agricoles pour le développement réalisée par 45 auteurs venant des quatre coin du monde démontrait que les variétés génétiquement modifiées ne contribuent pas à aider les petits agriculteurs. Les auteurs de ce rapport, qui portait sur les impacts passés, présents et futurs des connaissances scientifiques et technologiques agricoles soutiennent que pour améliorer la sécurité alimentaire, des investissements massifs devraient être déployés dans les infrastructures rurales comme les routes, les marchés, le développement en irrigation et les centres de formation.
Selon cette étude, longue de quatre ans, ces investissements dans l’agriculture durable permettraient en même temps de soutenir « les connaissances traditionnelles et donneraient aux fermiers les outils nécessaires dont ils ont besoin pour prospérer sans devenir dépendant des couteux intrants externes (pesticide, insecticide, plantes génétiquement modifiées, etc.) ».
« L’agriculture biologique semble logique compte tenu du contexte africain », explique Manjo Smith de la Fédération international des mouvements en agriculture biologique (IFOAM). Par exemple, elle favorise l’utilisation de ressources déjà accessible. En effet, environ 60% des terres agricoles disponibles et inexploitées dans le monde se trouvent en Afrique et les agriculteurs ont un riche bagage de connaissance sur plusieurs variétés de plantes indigènes.
Les Nations Unies vont même plus loin en affirmant que les nations africaines ont un certain avantage comparatif dans l’agriculture biologique. Ceci serait attribuable à leur main d’œuvre généralement abondante, à un accès limité au capital restreignant, par exemple, l’utilisation des pesticides et des systèmes d’irrigation.
Deux obstacles principaux : La commercialisation et la mise en marché
Un des points soulevé à la Conférence de Lusaka concerne le fait que les marchés pour les produits biologiques sont en croissance, à mesure de 10 à 20% selon les Nations Unies. Pourtant, les marchés sont limités à l’Amérique du Nord et l’Europe. D’autres pays gagneraient à donner plus de crédit au marché d’agriculture biologique, puisque la commercialisation des produits biologiques représente un énorme potentiel non exploité.
En ce moment, environ 80% des producteurs biologiques, dont une proportion significative de ceux-ci sont des femmes, travaillent dans les pays en développement, alors que 97% du chiffre d’affaire des banques est généré dans les pays industrialisés selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement.
Pour tenter de résoudre cette dynamique, les participants à la Conférence de Lusaka « ont demandé que l’Union européenne et les autres acteurs des partenaires commerciaux mondiaux prennent toutes les mesures nécessaires pour faciliter la participation des producteurs africains sur les marchés mondiaux biologiques ».
Une double solution
Les méthodes de l’agriculture biologique comme la diversification des plantations qui engendre l’augmentation de la fertilité du sol et empêche son érosion, seraient bien adaptées dans les aires qui sont en proie à une faible fertilité et à la dégradation des sols.
Dans l’ouest du Kenya, par exemple, l’utilisation de l’agriculture biologique a augmenté la récolte de certains haricots de 158% en comparaison avec l’utilisation de l’agriculture conventionnelle. Ceci est aussi valable en Amérique du Nord et en Europe, des régions qui sont aussi en proie avec des problèmes de raréfaction de l’eau et d’érosion des sols. Aux États-Unis, les dommages causés par la dégradation des sols sur les fermes, les cours d’eau, les infrastructures et la santé ont été évalués par le gouvernement à plus de 50 billions de dollars par année.
L’étape suivante : recherche et accès aux marchés
Un effort concerté devrait être mis en place pour assurer des pratiques agricoles moins dommageable sur la santé et l’environnement, en Afrique comme ailleurs. L’agriculture biologique représente des emplois dans les milieux ruraux et offre une vaste gamme de bénéfices économiques, sociaux, environnementaux et concernant la santé pour les consommateurs comme les producteurs.
Afin de permettre cette intégration de l’agriculture biologique dans les marchés mondiaux, plusieurs actions devront être posées, notamment en ce qui concerne l’accessibilité aux marché et plus de fonds devraient être investis dans le domaine de la recherche et de la formation pour les agriculteurs.