Référendum sur les traités autochtones en Colombie-Britannique

Processus malhonnête

samedi 1er juin 2002, par Nadine PEDERSON

Le gouvernement libéral de la Colombie-Britannique a récemment tenu un référendum sur la négociation de traités avec les communautés autochtones. La contestation a été vive. Certains parlent même de racisme.

La consultation initiée par le gouvernement de la Colombie-Britannique avait pour but de demander aux citoyens de s’exprimer sur les principes qu’ils veulent voir appliquer aux négociations avec les communautés autochtones de la province.

Le 15 mai dernier, date de clôture du référendum, seulement 34 % des citoyens avaient retourné leur bulletin de vote. À travers la province, ces bulletins ont été ignorés, détruits ou encore remis aux Premières Nations pour être brûlés lors d’événements publics. Les critiques accusent le gouvernement libéral de « polariser » les résidents de la province, d’être raciste et de ne pas comprendre le procédé de négociation de traités. Le premier ministre Gordon Campbell a pourtant affirmé que le référendum se voulait une façon de « légitimer le processus de négociation en permettant à toutes les personnes de la province de s’exprimer démocratiquement ».

« Je ne voterai pas au référendum », écrivait un ancien juge, Thomas Berger, dans le Vancouver Sun. « Pas parce que c’est un exercice inutile ou une perte de temps et d’argent, mais plutôt parce que le référendum est en contradiction avec la loi. »

M. Berger explique qu’en 1999, lorsque Campbell était chef de l’opposition officielle, il avait contesté devant les tribunaux le traité Nisga’a, entente signée entre les communautés autochtones et le gouvernement de la Colombie-Britannique. Campbell affirmait que la Constitution n’autorise pas les Premières Nations à diriger leur propre gouvernement mais permet seulement de leur accorder certains pouvoirs délégués par les gouvernements provincial et fédéral. La Cour suprême de la Colombie-Britannique avait rejeté la requête.

« La question clé du référendum de Campbell est la suivante : "Les gouvernements autochtones autonomes devraient avoir les caractéristiques d’un gouvernement local, dont les pouvoirs sont délégués par le Canada et la Colombie-Britannique. Oui ou non ?" Mais Campbell a lui-même obtenu une réponse à cette question », affirme l’ancien juge.

Réponse

Le droit des Premières Nations de contrôler leur territoire et de diriger un gouvernement autonome a été établi bien avant que Campbell se rende devant les tribunaux. La Proclamation royale de 1763 accorde tout le territoire de la Colombie-Britannique aux communautés autochtones. L’affaire Calder, en 1973, de même que la décision de Delgamuukw en 1997, ont confirmé l’existence de ces droits.

De plus, la présence de la Colombie-Britannique à la table de négociations n’est même pas impérative. Seul le Canada peut conclure un traité avec les Premières Nations et la province n’a aucun pouvoir législatif sur les ententes avec les communautés autochtones. Le référendum peut être considéré comme un exercice inutile, puisque le Canada ou la Colombie-Britannique ne sont même pas tenus de considérer cette consultation. Le gouvernement libéral a d’ailleurs affirmé qu’il respecterait un vote positif mais pas nécessairement une réponse négative aux principes proposés.

« Le gouvernement a toujours le droit de déterminer quelle est la meilleure façon d’appliquer concrètement les résultats d’un référendum, explique Geoff Plant, procureur général de la Colombie-Britannique. Il est ici question de principes. Nous ne pouvons promettre de résultats précis à la suite de ce référendum. Les réponses vont indiquer au gouvernement la voie à suivre pour aller de l’avant avec les négociations. »

Selon la firme de sondage Angus Reid, les principes soumis au vote populaire sont formulés de façon à susciter une réponse positive, qui sert les intérêts du gouvernement. Par exemple, la première question du référendum sous-entend que des propriétés privées pourraient éventuellement être cédées aux Premières Nations : « On ne devrait pas exproprier de propriété privée dans le règlement des traités. Oui ou non ? » Or les dirigeants autochtones rappellent que la propriété privée n’est pas un point discuté à la table de négociations, ce qui irait à l’encontre d’un principe convenu en 1993 encadrant la négociation de traités.

Questions ambiguës

« Le référendum vise la majorité de la population de la Colombie-Britannique qui est peu informée des droits des autochtones reconnus par la Constitution », affirme Stewart Phillip, président de l’Assemblée des chefs autochtones de la Colombie-Britannique. « La démocratie c’est beaucoup plus que des bulletins de vote brûlés en guise de protestation. C’est la reconnaissance que les droits d’une minorité ne doivent pas être déterminés par une majorité lors d’un processus de consultation douteux, basé sur des questions ambiguës à l’issue prédéterminée. »

Même si quelques organisations ont appuyé le référendum - incluant une association appelée « White Pride » qui a affirmé que ce vote allait « permettre l’expression symbolique fondamentale de l’unité blanche » - la contestation a été vive. Des groupes aussi variés que le Conseil des Canadiens, l’Église anglicane, le Nouveau parti démocratique, la Fédération musulmane canadienne, le Congrès juif canadien et l’Association des Chinois canadiens ont fortement dénoncé cette initiative politique.


Les résultats du référendum seront rendus publics le 3 juillet.

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