Depuis dix ans, les organisations de la société civile d’Amérique du Nord n’ont sans doute pas accordé à la question de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), signé il y a dix ans, toute l’attention qu’elles ont consacrée au projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) et aux négociations en cours à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Récemment, lors d’un colloque organisé par le Réseau québécois sur l’intégration continentale en présence de 400 invités du Québec, du Canada, du Mexique et des États-Unis, les participants ont pourtant tracé un bilan assez critique de cette décennie de l’ALÉNA.
De durs constats
Le colloque s’est conclu par l’adoption d’une Déclaration finale qui a par la suite été acheminée à des représentants du Nouveau parti démocratique (NPD) et du Bloc québécois (BQ). Aux yeux de plusieurs analystes et intervenants, le bilan de l’ALÉNA est négatif. Les ravages dans le secteur agricole au Mexique ont dévasté les campagnes. Des organisations mexicaines, comme la coalition. « El campo no aguanta mas » (la campagne n’en peut plus !) estiment que le monde paysan est à bout de souffle. Devant l’accumulation des pressions et des manifestations d’éclat, comme le blocage de la capitale en janvier dernier, le gouvernement mexicain se dit maintenant prêt à négocier. Le député Victor Suarez (Partido de la Revolucion Democratica), qui estime que la situation est dramatique, propose que les parlementaires des trois pays se réapproprient le dossier qui avait été négocié en marge de tout débat démocratique par George Bush (le père), Brian Mulroney (alors premier ministre conservateur) et le président mexicain de l’époque, Carlos Salinas de Gortari, qui vit aujourd’hui en exil.
Aux États-Unis, le débat a refait surface durant la présente campagne électorale, alors que le candidat démocrate, John Kerry, s’est engagé à consacrer une période de 120 jours à une révision d’ensemble de tous les accords de libre-échange signés par son pays, y compris l’ALÉNA, s’il accède à la Maison-Blanche le mois prochain. Quant au Canada, le gouvernement minoritaire de Paul Martin pourrait être amené à recevoir une demande de bilan citoyen, qui serait déposée par des organisations populaires et les partis d’opposition, demande à laquelle des députés libéraux et conservateurs représentant des comtés qui ont été durement touchés par les fermetures d’usine, les différends commerciaux ou les baisses de revenu seraient sans doute susceptibles de se joindre.
Double défi
En définitive, le défi auquel les organisations opposées à l’ALÉNA sont confrontées est double. D’un côté, il leur faut pousser les gouvernements des trois pays à dresser un bilan citoyen de l’ALÉNA dans les meilleurs délais, et de l’autre, il leur faut remettre en question la stratégie poursuivie par ces trois mêmes gouvernements, et par d’autres également, en Amérique, en Europe ou en Asie, qui continuent d’utiliser l’ALÉNA comme modèle dans les négociations commerciales bilatérales qu’ils mènent actuellement.