« Nous disons, nous, altermondialistes, qu’il faut démanteler les conglomérats financiers qui représentent une puissance qui bloque toute les réformes ».
ATTAC
Le G20, vous connaissez ? Ayant connu des gens qui en furent victimes, cet évènement m’inspire une certaine honte d’être canadien. Naomi Klein a aujourd’hui rappelé les quelques 900 arrestations de nos frères et sœurs militant-es durant ce sommet et aussi, le milliard de dollars spolié de nos services publiques pour mater brutalement une contestation inoffensive. Or, au delà de la comptabilité des vitres cassées, des arrestations et des résolutions politiques stériles, que signifient ces grandes réunions ? Un panel réunissant des représentants d’ATTAC, le Ministre de l’environnement bolivien, un agriculteur sénégalais et Naomi Klein fut l’occasion d’une réflexion permettant de dégager les conclusions politiques et stratégiques qui s’imposent face aux sommets du G8-G20.
Il faut rappeler que la configuration des « G » a évolué selon les époques et… les objectifs des grandes puissances. On parle généralement du G2 pour qualifier le noyau dur Chinamérique. Officiellement, ces rencontres aux sommets furent d’abord des G7, G8, puis finalement, le G14 (période transitoire) et G20. Naomi Klein illustra cette évolution par une anecdote : au moment de l’élargissement du G7 au G20 en 1999, le Ministre Canadien des finances et son homologue américain se réunirent pour statuer sur l’identité des nouveaux venus. Ils inscrivirent au dos d’une enveloppe les noms. Leur choix fut orienté moins par les caractéristiques économiques des pays (PIB par exemple) que pour des considérations géopolitiques c’est-à-dire, dans une perspective de diffusion du capitalisme par le biais d’appuis régionaux stratégiques. La critique de ces forums où se rencontrent à huis clos les dignitaires des grandes puissances s’est articulée principalement sur leur incapacité à redéfinir le paradigme économique et politique dominant, processus jugé essentiel pour transcender la crise multidimensionnelle du capitalisme.
Vêtu d’un vêtement traditionnel et interpellant la foule réunie avec fougue, un Sénégalais lança un vibrant appel à la fondation d’un « G172 ». Du point de vue d’un agriculteur africain, les grands sommets et institutions internationaux sont devenus de véritables malédictions. La mystification macro-économique néolibérale que l’on y parle là-bas est étrangère à la réalité vécue sur le terrain. Il déplore : « Qui a consulté le paysan et ses organisations ? Nous avons des besoins, mais personne ne veut nous écouter et encore moins nous financer ! ». Le « nous » dont il parle représente environ 85% des Africains soit, le corps de l’Afrique. Malheureusement, la concentration des investissements dans « l’agrobusiness » fondée sur l’exportation et l’exploitation de monocultures a, depuis une trentaine d’années, créée des désastres. Vous avez peut-être oublié les brèves leçons de la crise alimentaire de 2008 ? Elle a révélé la fragile ligne qui sépare le paysan africain de la pauvreté à l’indigence. Dans ce contexte, les variations à la baisse du prix des denrées sur les marchés internationaux peuvent avoir des conséquences économiques et sociales catastrophiques.
Sur une note d’espoir, le Ministre de l’environnement de Bolivie a fait valoir les avancées démocratiques et économiques possibles. Il a d’abord présenté les conclusions du Sommet de Cochabamba et les politiques de réduction des gaz à effets de serre menées par le gouvernement Morales. Il a affirmé avec force les causes structurelles de la crise environnementale et notamment, l’incapacité du capitalisme à faire face à ce défis de taille. Or, comme nous le savons, il y a urgence d’agir devant ce qu’il qualifia de « génocide climatique ». La Bolivie constitue à bien des égards un modèle inspirant. L’élargissement de la démocratie, d’abord par une mobilisation active du peuple, par les mouvements sociaux puis par l’engagement d’un processus de constituante et des référendums, a permit de définir des droits spécifiques à l’environnement et des politiques correspondantes. Poursuivant sur ce thème, Naomi Klein a affirmé que les changements climatiques constituent un axe mobilisateur fondamental pour les luttes à venir. Cet enjeu présente deux avantages : il trouve un écho positif dans la population et surtout, explicite clairement les contradictions du capitalisme. Il oppose la survie des écosystèmes avec le lucre et l’intérêt des pouvoirs démesurés de l’argent. Au États-Unis, dit-elle en substance, la droite associe ceux qui militent contre les changements climatiques à des socialistes. Cette remarque, poursuit-elle, est juste et nous devons l’assumer car le capitalisme est la source des changements climatiques. Pourtant, même si le sujet est transversal, elle note un recul de 20% parmi les Américains qui affirment croire à l’existence de tels changements. Un recul qui atteste de la vivacité de la négation médiatique menée par les opposants.
Quels remèdes les G8-G20 ont-ils proposés pour répondre à la crise financière et économique à laquelle est confronté le capitalisme ? Des portes paroles d’ATTAC nous ont rappelé les principales occasions manquées qui attestent de l’impuissance voire, de la stérilité du G20. J’ai dit impuissance ? Cette inertie a un nom que résumait fort bien une des brochures distribuées dans la salle : la guerre en cours est une lutte de classe ! Avec plus de précision, Warren Buffet disait ceci : « La guerre des classes existe mais c’est ma classe, la classe des riches qui fait cette guerre et nous sommes en train de la gagner ». Cynique ? Appréciez le constat qui suit :
– Le G20 eut pour toute réaction d’autoriser le financement du FMI pour un total de 1000 milliards de dollars alors que celui-ci avait été largement discrédité par les politiques passées d’ajustements structurels et son incapacité à prévoir et endiguer la crise.
– Les paradis fiscaux : Il a été décidé de placer ceux-ci en trois groupes : les blancs, les gris et les noirs. La plupart sont blancs, « ce qui constitue un véritable oxymoron ». La seule obligation de partager « certaines » informations a permit à Monaco de passer du gris au blanc sans que soient modifiées ses politiques de dumping fiscal.
– La spéculation financière : ATTAC nous rassure, elle se porte merveilleusement bien. En effet, des politiques générales de régulation doivent être mises en place par les états, mais elles sont restées lettre morte jusqu’ici.
– La taxe sur les transactions financières (pièce maîtresse des propositions d’ATTAC) : Elle avait été soumise à l’attention du G20 suite à une l’initiative franco-allemande. Elle révéla sa véritable nature à Toronto : un nuage de fumée. Pourtant, en plus de constituer une source de régulation, cette taxe permettrait de dégager des fonds substantiels pour la coopération sud-sud et le financement des services publics.
Avant la rencontre de Toronto, l’ONU avait prévue une rencontre internationale pour discuter du rapport Stiglitz, lequel identifiait des causes structurelles de la crise actuelle tout en mettant en garde les grandes puissances contre la progression des inégalités – thème maintenant honni des agendas politiques. Elle fut annulée par celles-ci. Or, selon les intervenants, il faut réhabiliter l’ONU, seule instance possédant la légitimité démocratique nécessaire pour proposer et mettre en application des réformes substantielles. Pour l’instant, les G8-G20 demeurent les « gardiens d’un ordre économique qui se confond avec les intérêts des grandes entreprises transnationales et de la finance globalisée ». Les prochains « G » doivent être l’occasion de réclamer l’élargissement de la démocratie internationale.