Pour l’amour du thé

samedi 23 août 2003, par Alexandra GILBERT

Deux jeunes femmes, complices et amies, ont cherché à s’intégrer dans leur culture d’accueil par le biais d’une des traditions les plus chères à l’Asie : le rituel du thé. Baptisé tout simplement O-Cha-I - thé dans différentes langues - , le salon de thé est niché dans un sous-sol aux murs de pierres qui baigne dans les envoûtantes effluves de chai. Quand la tradition devient le prétexte d’un lieu d’échanges…

Originaire de Beijing, Phoebe a habité longtemps à Hong Kong avant de se rendre à de multiples reprises à Vancouver pour ses études. Lorsqu’elle séjourne à Hong Kong, Phoebe fréquente les salons de thé, découvrant ce rituel millénaire qu’elle décrit comme une façon de vivre : « Pour prendre le thé, il faut prendre le temps, pour en apprécier le goût et le travail des gens qui l’ont cultivé. » Cette tradition, pour elle retrouvée, lui fait prendre conscience de son identité. De retour à Vancouver, elle croise sur son chemin un Québécois qui la mènera jusqu’à Montréal. Son arrivée est marquée par le sentiment d’être étrangère, autant à cette langue nouvelle qu’à sa culture d’accueil. Ayant remarqué que la communauté chinoise et québécoise vivent en parallèle, sans véritablement se rejoindre, elle ouvre un an plus tard son salon de thé, espérant ainsi parvenir à construire « un pont entre les communautés chinoise et québécoise ». Cette idée signe son intégration à sa culture d’accueil et lui permet de mieux la comprendre.

Le parcours d’Hiroko, originaire du Japon, est quelque peu différent. De passage à Montréal pour étudier l’anglais, elle tombe sous le charme de la ville et de sa diversité. Elle décide d’y aménager et de s’attaquer… au français. Lorsque vient le moment de trouver du travail, elle se dirige tout naturellement vers le salon de thé qu’elle fréquentait déjà. L’intérêt d’Hiroko pour cette tradition remonte à une formation suivie au Japon qui lui permet de prendre conscience du caractère rituel de cet acte, se situant dans « un espace hors du quotidien ». Elle réalise rapidement la difficulté de « conserver les traditions dans la société moderne » et, accordant elle aussi une grande importance à la diffusion culturelle, elle croit qu’il faut « créer ces opportunités ».

Les deux femmes ont bien vite réalisé que « prendre le thé » est une nouvelle habitude pour les Québécois. Chaque thé a ses vertus, ses saveurs, voire sa saison. Elles s’efforcent de faire découvrir cet aspect à leurs invités. Car au O-Cha-I, nul n’est client, mais plutôt invité ou ami. Au-delà d’un salon de thé, c’est un véritable carrefour culturel, un lieu d’échanges ponctué d’un calendrier d’événements qui permettent d’initier les hôtes à la cérémonie du thé, à la dégustation et même aux chants de gorge.

« Le O-Cha-I est cet espace où l’on peut transmettre aux gens une connaissance d’une culture différente », affime Hiroko. Pour Phoebe, le salon de thé est aussi un endroit où on peut « partager et apprendre des gens de différents coins du monde ». Comme quoi la nécessité de retrouver ses racines peut également être synonyme d’ouverture vers d’autres cultures.

Alexandra Gilbert, journal Alternatives


Bas de vignette photo : Hiroko Fukuhara et Phoebe Lu dans le salon de thé O-Cha-I, situé sur la rue Saint-Denis à Montréal.

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