Afin d’assurer la durabilité et la légitimité de l’actuel processus de démocratisation en Haïti, il importe d’avoir une réelle participation citoyenne non seulement lors des élections, mais également au sein des institutions et mécanismes démocratiques prévus par la Constitution de 1987. Seule une participation massive des citoyens et des groupes d’intérêts à ces mécanismes et institutions permettra, à long terme, d’enraciner profondément une culture démocratique en Haïti.
Depuis l’introduction de la Constitution de 1987, plusieurs mécanismes et institutions démocratiques ont été prévus. Certains ont vu le jour, d’autres tardent à venir. Afin d’enraciner cette culture démocratique, il sera impératif, pour le prochain gouvernement mais aussi pour les regroupements de citoyens, de travailler conjointement pour assurer la pérennité de ces mécanismes légaux et citoyens :
– La Constitution de 1987 prévoit un vaste programme de décentralisation des pouvoirs ainsi que des mécanismes de participation citoyenne permettant à la population de s’approprier cette démocratie rapprochée. C’est le cas à travers les Assemblées de la Section communale (ASEC), qui prévoit une participation populaire en interaction avec le Conseil d’administration de la Section communale (CASEC). Malheureusement, ces institutions tardent à prendre forme, ce qui retarde la mise en place d’un dialogue réel entre populations et élus quant à la gestion politique et économique des sections communales, et empêche les mécanismes consultatifs et décisionnels du bas vers le haut (communal, municipal, départemental, national) de voir le jour. Considérant le fait que la grande majorité de la population haïtienne est paysanne, le besoin d’instaurer et de pérenniser ces mécanismes de participation citoyenne en zones rurales est des plus importants.
– La Constitution de 1987 prévoit également différents droits citoyens permettant aux groupes d’intérêts (associations, regroupements citoyens, groupes de femmes, organisations communautaires, etc.) de faire valoir leurs revendications. Ces droits sont, bien entendu, essentiels à la culture démocratique qu’Haïti recherche désespérément. Entre autres mécanismes participatifs, nous retrouvons : la liberté d’expression ; le droit d’association et de réunion ; le droit de pétition et l’obligation pour le pouvoir législatif de respecter ce droit ; etdivers niveaux d’assemblées territoriales (assemblées communales, assemblées municipales, assemblées départementales) permettant une participation citoyenne de contrôle et de suivi des conseils communaux, municipaux et départementaux.
Malgré les importants problèmes rencontrés au cours du présent processus électoral - violences urbaines, élections reportées plusieurs fois, difficultés logistiques au niveau du Conseil électoral provisoire (CEP) - le taux relativement élevé de personnes inscrites en fonction des circonstances actuelles (3,5 millions sur un total de 4,5 millions de voteurs éligibles) nous amène à croire qu’un nouveau gouvernement pourra être instauré dès le début de l’année 2006. Suite à cette inauguration, l’ensemble de la société haïtienne - élus, populations, associations - devra travailler d’arrache-pied pour enraciner une culture démocratique durable. Pour ce faire, nous devons reconnaître la nécessité d’un travail rapproché d’éducation populaire à la citoyenneté et la démocratie. Un réel travail d’alphabétisation citoyenne. Aux fins du présent projet, l’Institut Québec - Haïti et Alternatives concentreront leurs efforts auprès des populations paysannes, largement majoritaires au pays, mais aussi grandement défavorisées et marginalisées quant à leur participation à la vie démocratique, sociale et économique du pays.
L’objectif principal du présent projet consiste à consolider l’enracinement d’une culture démocratique en Haïti, en favorisant la participation citoyenne aux institutions démocratiques haïtiennes et en assurant la pérennité de ces institutions par le renforcement du lien de confiance entre les populations marginalisées - populations paysannes des zones rurales - et l’actuel processus de démocratisation et de reconstruction. De manière spécifique, le projet visera à :
– Permettre aux organisations paysannes ciblées d’élaborer des cahiers de charge représentant les demandes démocratiques et les désirs d’émancipation citoyenne de leurs membres ;
– Permettre aux membres et aux dirigeants de ces organisations paysannes d’acquérir les connaissances nécessaires sur les diverses instances démocratiques, telles que conférées par la Constitution de 1987, afin d’y garantir leur participation active ;
– Renforcer les capacités des organisations paysannes haïtiennes en termes de réseautage, de plaidoyer et de communication, en vue d’une participation effective aux grands débats nationaux portant sur l’économie paysanne, la protection des ressources environnementales et la réforme agraire ;
– Consolider et renforcer les capacités d’une organisation émergente de la diaspora haïtienne au Canada, à savoir l’Institut Québec - Haïti (IQH) ; accroître et faciliter les échanges thématiques et techniques entre des membres de la diaspora haïtienne du Canada et leur pays d’origine
Afin d’atteindre ces objectifs, le programme d’activités suivant sera mis en place :
1. Renforcement des capacités des partenaires d’exécution.
Un travail approfondi sera accompli avec les partenaires d’exécution du projet (ITEKA, PAPDA, SOFA) lors des premiers mois de mise en œuvre de ce programme. Des formations seront offertes à ces organisations haïtiennes afin d’accroître leurs capacités en termes d’animation du monde rural, de suivi technique, de planification stratégique et d’éducation populaire à la démocratie citoyenne.
2. Accompagnement et renforcement des capacités des organisations paysannes en animation du monde rural.
Un travail rapproché sera effectué avec les organisations paysannes afin d’élaborer, avec les membres de chaque regroupement régional, un cahier de charge paysan et un programme d’action précis et concret d’animation du secteur paysan pour les années à venir. Un programme de renforcement institutionnel des organisations paysannes sera également exécuté, en intégrant les méthodologies de planification stratégique et de gestion axée sur les résultats.
3. Programme de formation pour les membres et dirigeants des organisations paysannes sur les institutions et mécanismes démocratiques.
Au préalable, un travail de recherche participative et d’élaboration d’outils didactiques de formation sera effectué. Par la suite, un programme de formation sera mis en place pour adresser les enjeux de la décentralisation municipale, des instances de participation citoyenne prévue par la Constitution de 1987 et des pouvoirs accordés aux différents conseils territoriaux, et ce, dans l’ensemble des départements ciblés par le présent programme.
4. Accompagnement et renforcement des capacités des organisations paysannes pour un travail national de plaidoyer.
Bien qu’une multitude d’enjeux paysans et ruraux se doivent d’être adressés aux niveaux communaux, municipaux et départementaux des instances démocratiques haïtiennes, une série d’enjeux devront être abordés par les diverses plateformes paysannes au niveau national, afin de canaliser les demandes et revendications paysannes locales aux instances démocratiques appropriées (parlement, sénat et gouvernement) :
– Économie paysanne
– Protection des ressources environnementales
– Réforme agraire et droit foncier
– Rôle des femmes et égalité entre les sexes au sein du secteur paysan
5. Renforcement de capacités de l’Institut Québec - Haïti.
Récemment mis sur pied par des intellectuels et des militants pour la démocratie de la diaspora haïtienne de Montréal, dont les professeurs Jean-Claude Icart et Franklin Midy de l’UQAM, cet institut a pour objectifs de faciliter les échanges entre des membres de la diaspora et leur pays d’origine, tout en appuyant le processus de démocratisation et de reconstruction en Haïti, notamment par le biais d’enquête, de programmes de recherche, de formations et d’élaboration de matériel didactique et d’éducation populaire. À travers le présent projet, le partenariat entre Alternatives et l’IQH sera une opportunité pour renforcer les capacités de cette jeune organisation, notamment en matière de :
– Recherche de financement, planification de programmes et gestion axée sur les résultats ;
– Organisation conjointe, au Canada, d’activités publiques de sensibilisation à la reconstruction en Haïti ;
– Échanges thématiques et techniques entre la diaspora haïtienne au Canada et son pays d’origine.