Dans ce pavillon, près d’une centaine de femmes sont entassées avec leurs enfants. La pièce d’environ 25 mètres par 15 aux murs blanc et beige n’offre aucune vue sur l’extérieur. Sur les deux murs latéraux, les petites fenêtres situées à hauteur du plafond restent fermées et sont munies de barreaux. Par terre, de minces matelas en mousse déchirés, d’à peine 50 centimètres de largeur, servent de lits que certaines femmes doivent partager avec leur enfant. Pendant qu’une partie de ces détenues attendent leur procès, 17 d’entre elles n’attendent plus que leur exécution.
Une jeune femme est emprisonnée pour avoir refusé d’épouser le frère de son défunt mari. Une autre se retrouve derrière les barreaux pour être tombée amoureuse d’un autre homme que celui qu’elle a épousé par obligation. Une autre encore a été enfermée pour avoir refusé les avances de son oncle chez qui elle logeait à la suite de son divorce. Et une autre est incarcérée pour avoir mis au monde un enfant « ensorcelé »...
Le calvaire de ces femmes incarcérées pour des motifs douteux se poursuit pendant leur détention. « Certaines femmes sont arrivées en prison sans enfant, elles sont tombées enceinte ici et doivent s’occuper de leur enfant... », raconte une ancienne détenue, laissant sous-entendre les cas de viols fréquents dans les murs de la prison.
Éduquer la femme
Dans le cadre d’une campagne organisée par des ONG locales contre la violence faite aux femmes, les prisonnières du centre pénitencier de Makala ont pu participer, le 5 décembre dernier, à une séance de sensibilisation. Au cours de cette matinée, une dizaine de femmes issues de la société civile congolaise ont invité les détenues à exprimer leur point de vue sur la violence commise envers la femme. Constat troublant : chacune des détenues insistait pour expliquer son cas.
Lucides et volubiles, ces femmes en avaient long à dire. Les coutumes, telles que l’excision avant le mariage, le rejet de la veuve et le lévirat (succession des maris sur une femme) ont été fortement dénoncées par les détenues. « Quand le mari meurt, on chasse la femme qui se retrouve à la rue et on lui arrache ses enfants », a dénoncé une prisonnière révoltée.
À la fin de la séance de sensibilisation, Marie-Josée Lujinga, de l’Association des femmes magistrats, a rappelé aux détenues l’importance de l’éducation léguée par les parents. L’éducation populaire, notamment auprès des femmes, s’avère un des moyens essentiels pour combattre les actes de violence dont la société congolaise est victime. « Éduquer une femme, c’est éduquer toute une société », a déclaré la magistrat à ces femmes qui purgent leur peine dans ces conditions pénibles depuis parfois plus de 10 ans.
Émilie Miskdjian,