Paradis fiscaux : l’inaction suspecte du gouvernement Trudeau

mercredi 4 avril 2018, par Claude Vaillancourt

Les astres étaient pourtant bien alignés. Il était plus que temps que nos gouvernements s’attaquent de front au problème des paradis fiscaux. Les Panama Papers et les Paradise Papers ont permis de démontrer l’ampleur des fuites fiscales. Les pressions se sont beaucoup portées sur le gouvernement de Justin Trudeau, celui qui est le plus en mesure de légiférer sur la question.

Pourtant non seulement celui-ci refuse d’intervenir sur la question, mais il contribue à accentuer le problème. Avec une arrogance inacceptable, il rejette du revers de la main les nombreuses propositions pour corriger le tir. Son copinage avec la minorité richissime qui profite des paradis fiscaux est particulièrement inquiétant.

On pourrait écrire un dossier noir sur les agissements nuisibles des libéraux. Celui-ci commencerait par les nouvelles conventions fiscales signées par le Canada avec des paradis fiscaux. Rappelons que le gouvernement conservateur avait signé une douzaine de celles-ci. Et que ces dernières permettent à l’argent de circuler sans contraintes du paradis fiscal signataire au Canada. Cela grâce à la non double imposition, c’est-à-dire à la possibilité pour celui qui place son argent dans un centre offshore de le rapatrier sans payer d’impôt au gouvernement canadien.

Non seulement les libéraux refusent de mettre fin à ces traités, comme l’exigent de nombreuses personnes qui luttent pour la justice fiscale, et comme l’a demandé le Bloc québécois dans une résolution que les libéraux ont rejetée, mais ils ajoutent l’insulte à l’injure. Notre gouvernement a signé de nouvelles conventions, alors qu’on les croyait archaïques, avec la Grenade et Antigua et Barbuda. Plutôt que de combattre les paradis fiscaux, notre gouvernement s’active au contraire à les reconnaître.

Tout aussi insultant a été le traitement réservé à une délégation devant interpeler le gouvernement sur le dossier des paradis fiscaux. Celle-ci était menée par le comédien Vincent Graton, auquel se sont ajoutés les spécialistes Alain Deneault et Marwah Rizqy, et était appuyée par le collectif Échec au paradis fiscaux. Malgré l’excellente réputation de ces personnalités, et en dépit de la vaste représentativité de la coalition, cette délégation n’a pas pu rencontrer la ministre responsable du dossier, Diane Lebouthillier, et aucun autre élu libéral.

Ceci est d’autant plus inacceptable si on tient compte de la facilité avec laquelle les lobbyistes — qui, eux, ne représentent aucun citoyen — fréquentent les ministres. La journaliste Nathalie Petrowski a révélé par exemple que le PDG de Netflix s’est réuni avec la ministre Mélanie Jolie à deux reprises, et que les lobbyistes de cette compagnie ont eu droit à 5 rencontres avec Patrimoine Canada entre le 5 février et le 7 juin 2017 seulement. Tout cela pour arriver à une entente très contestée qui prive, entre autres, la population du Canada de précieux revenus !

À cela s’ajoute enfin le désolant budget Morneau de février 2018, qui refuse une fois de plus de s’attaquer de façon convaincante au problème des paradis fiscaux. Ce grand vide, alors que les pressions pour des actions significatives sont plus fortes que jamais, est une sorte d’affront pour celles et ceux qui croyaient qu’on avancerait enfin. L’inaction du gouvernement est aussi un soutien à toute cette économie souterraine qui prospère.

Il faut dire que le très riche Bill Morneau défend efficacement les intérêts de sa classe, avec l’approbation tacite de Justin Trudeau. Les Paradise Papers ont d’ailleurs permis de constater à quel point des proches de notre premier ministre, Stephen Bronfmann et Leo Kolber, sont de grands utilisateurs des centres offshore. Bien que les paradis fiscaux soient un élément clé permettant l’accumulation de richesse des plus favorisés, pourquoi donc s’y attaquer, si ça peut offusquer des amis ?

C’est à cause de la grande difficulté de faire changer les choses que le Forum social mondial de Montréal, en 2016, a décidé d’organiser à chaque année une semaine mondiale d’action contre les paradis fiscaux en avril, pour rappeler la divulgation des Panama Papers. Il est essentiel de maintenir la pression et exiger des mesures significatives contre les paradis fiscaux. Ne serait-ce que pour dénoncer la grande hypocrisie du gouvernement Trudeau qui, de manière trompeuse, prétend agir en faveur de la classe moyenne.

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