Adapté du roman de Valérie Zennati, le film Une bouteille dans la mer de Gaza réalisé par Thierry Binisti aborde le conflit israélo-palestinien d’un autre œil, sans prendre parti.
En effet, il montre la vie quotidienne des gens autant du côté israélien que palestinien. « Pour la première fois, je ressentais les deux côtés en même temps, et j’ai voulu le rendre », affirme Thierry Binisti en parlant de la réalisation du film.
Plongés dans un conflit qui dure depuis plus d’un demi-siècle, ces peuples vivent avec la peur, la haine et l’incompréhension engendrés par les multiples affrontements du passé et ceux qui sévissent aujourd’hui. Dans le film, l’accent est mis davantage sur ces sentiments que sur le conflit lui-même.
Une amitié impossible
Témoin d’un attentat à Jérusalem, Tal, une jeune Française de 17 ans nouvellement établie dans cette ville, est bouleversée. Elle décide d’écrire un message dans lequel elle décrit son incompréhension face au conflit et se demande comment autant de haine peut régner entre les deux peuples. Puis, elle le glisse dans une bouteille, jetée dans la mer près de Gaza. Naïm, un Palestinien de 20 ans, découvre le message. Ainsi naîtra un échange et une amitié impossible entre les deux personnages.
Valérie Zenatti est l’auteure du livre Une bouteille dans la mer de Gaza paru en 2005 et coscénariste du film qui l’a suivi. Pendant les neuf mois d’écriture de son livre, elle dit avoir été tour à tour Tal et Naïm, en empathie avec chacun d’eux. Ancienne soldate, elle a vécu en Israël pendant plusieurs années. Puis elle a décidé de traduire ses sentiments contradictoires par rapport au conflit en mots à travers le dialogue de ses personnages.
Quant à Thierry Binisti, ce film est en quelque sorte une façon de répondre à ses propres questions. « Il y avait la possibilité de voir la vie quotidienne des gens, de découvrir comment on vit un conflit comme ça, comment la peur se traduit à chaque jour quand on vit sous une pression ou une menace tant du côté palestinien qu’israélien », affirme-t-il.
Loin du documentaire
Le réalisateur a volontairement omis certains détails du contexte historique, son objectif étant de présenter une perspective différente, une autre vision que celle d’un pays en guerre. « Mon désir était de montrer les choses comme je les ressens. Si je favorisais un côté plus que l’autre, le film n’aurait pas le même sens », ajoute le réalisateur. Selon lui, un film qui présente les deux côtés en même temps n’avait jamais été fait auparavant.
Une bouteille dans la mer de Gaza ne permet pas une compréhension géopolitique du conflit israélo-palestinien, et c’était l’intention du réalisateur. D’après lui, la plupart des gens connaissent déjà la situation, fréquemment abordée dans les médias. Il voulait l’exposer sous un autre angle. Toutefois, pour mieux comprendre le contexte, il est préférable de connaître déjà quelques détails historiques.
L’histoire du film se déroule donc lors de la deuxième Intifada, qui a éclaté à la fin de septembre 2000. Cet événement consistait en un soulèvement populaire des Palestiniens, mécontents de la stagnation du processus de paix, de l’occupation israélienne et de l’expansion des colonies. Il est la suite d’une série d’affrontements qui durent essentiellement depuis la création de l’État d’Israël par l’ONU en 1948. À partir de cette date, environ 750 000 Palestiniens ont dû s’exiler et ce fut le commencement d’un conflit interminable.
Deux personnages, deux réalités
La réalité du conflit israélo-palestinien est reproduite métaphoriquement dans l’œuvre cinématographique de Thierry Binisti. Ce conflit sépare deux peuples pour des raisons territoriales, politiques et religieuses, mais aussi par le mépris et la méconnaissance de l’autre. Qui plus est, un mur de béton fut érigé en 2002 pour séparer ces peuples, créant une distance morale et physique qui est pourtant géographiquement petite. Ces peuples se croiseront-ils un jour ? La paix pourra-t-elle régner entre eux ? Ce sont les mêmes questionnements pour Tal et Naïm qui cherchent à comprendre la violence qui les entoure et qui subissent les contrecoups du conflit. Une relation quasi-impossible les unit, mais ils ignorent s’ils pourront un jour s’asseoir à la même table.
Un consensus tarde à se réaliser. Nul ne sait quand ce jeu d’échec se terminera entre Israël et la Palestine. Mais derrière se cache un peuple qui subit les soubresauts de ce virulent conflit. Évidemment, il y des personnes avec des sentiments, des joies, des peines qui tentent de vivre une vie « normale » à travers les bombes. C’est leur vie que Thierry Binisti a voulu montrer et non la simple image de deux territoires en guerre.