Le groupe mené par le secrétaire général de Jubilee South Africa, Georges Dor, voulait exprimer en personne son désaccord à la ministre, Brigitte Silvia Mabandla. Dans une missive reçue le matin même par l’organisation, la ministre signifiait qu’elle n’allait ni amender ni retirer la lettre que son prédécesseur avait envoyée à la Cour américaine en juillet 2003 pour lui demander de rejeter l’action intentée devant elle par 87 victimes de l’apartheid.
C’est qu’en 2001 s’est ajoutée une nouvelle revendication à l’agenda de Jubilee South Africa : l’obtention de dommages et intérêts pour les victimes de l’apartheid. Pas étonnant donc que Jubilee South Africa appuie le Khulumani Support Group qui a intenté, en novembre 2002, une poursuite contre 23 multinationales en vertu du Alien Tort Claims Act des États-Unis. Enlèvements, meurtres et tortures comptent parmi les crimes que les défendeurs, surtout des banques et des pétrolières, auraient encouragé et facilité en soutenant financièrement l’apartheid et en lui fournissant, notamment, du pétrole et des armes.
Au soutien du rejet de l’action, la lettre envoyée par l’ancien ministre de la Justice et du Développement constitutionnel, Penuell Mpapa Maduna, fait valoir que l’examen de la poursuite et l’octroi de dommages et intérêts porteraient atteinte à la souveraineté nationale de l’Afrique du Sud. Précisément, cette action interférerait avec les conclusions de la Commission Vérité et Réconciliation formée en 1995.
Dans un volumineux rapport remis en 1998, la Commission a identifié plus de 19 000 victimes de l’apartheid auxquelles elle a consenti des dommages et intérêts de l’ordre de 30 000 rands (environ 6000 dollars canadiens). Selon le professeur Kevin Hopkins de la faculté de droit de l’Université de Witwatersrand, il s’agit là d’intérêts nationaux qui doivent être pris en considération par le tribunal avant d’accorder une compensation en vertu du Alien Tort Claims Act au sens d’un jugement rendu en juin 2004 par la Cour suprême des États-Unis.
Sentant la soupe chaude, Jubilee South Africa tente par tous les moyens de convaincre la ministre de la Justice, qui est en poste depuis avril 2004, de désavouer son prédécesseur. « Nous sommes vraiment inquiets de l’impact que cette lettre aura sur le tribunal. C’est la raison pour laquelle nous en faisons tout un plat » reconnaît Georges Dor.
Pendant que les militants faisaient le plus bruit possible dans l’enceinte centrale de la tour à bureaux, le secrétaire général de Jubilee South Africa et la responsable des communications du comité de province de Gauteng de Jubilee 2000 South Africa, Sonto Mthimkhulu, obtenaient une brève rencontre avec le directeur général du ministère, Vusi Pikoli. « Il nous a dit qu’il parlerait avec la ministre et nous téléphonerait le soir même. On n’a pas eu de nouvelles depuis », rapporte Georges Dor. Seulement que la ministre ne participera pas au débat public portant sur les réparations pour les victimes de l’Apartheid qui aura lieu le 27 octobre prochain à la Cour constitutionnelle, à Johannesburg.