Oujé-Bougoumou, qui en français signifie « le lieu où le peuple se rassemble », est une réserve crie qui passe outre les préjugés. Plus qu’un village, c’est un véritable lieu de réunion pour cette communauté amérindienne située à 58 km à l’ouest de Chibougamau. Comme beaucoup d’autres villages amérindiens qui ne sont pas situés au pied de la route, il n’apparaît toutefois pas sur certaines cartes routières.
Oujé-Bougoumou, c’est l’anti cliché amérindien : il n’y a ni alcoolisme, ni pauvreté, ni chômage. On n’y trouve pas non plus de tipis ou de chapeaux à plumes. C’est un endroit où le mélange entre tradition et modernité se fait tout naturellement. Cela s’explique en grande partie par le fait que la communauté crie a su négocier avec les gouvernements fédéral et provincial sa part de l’exploitation hydroélectrique et a su développer un modèle d’autogestion durable basé sur les ressources locales et sur l’écotourisme.
À partir de la signature en 1975 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et grâce à leur persévérance dans leurs revendications au cours des trente dernières années, les membres de la communauté crie ont profondément changé leur situation de marginalisation au Québec. Chapeauté par Le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee dans leur langue), ce peuple s’est réapproprié des territoires entre le lac Mistassini et la Baie-James et a pu finalement fonder les 8 villages qui forment maintenant la communauté crie du Québec, dont Oujé-Bougoumou, qui a vu le jour en 1995.
C’est aussi en 1995 que la communauté d’Oujé-Bougoumou a été choisie par les Nations Unies comme l’un des 50 exemples remarquables de développement communautaire, ce qui lui a valu le fameux prix « We the peoples : 50 communities award ». Il s’agit d’une reconnaissance importante des efforts de la communauté crie pour la construction de ce village amérindien qui mélange harmonieusement tradition et développement durable. Beaucoup de principes d’avant garde sont mis de l’avant dans ce village, tant au plan de la technologie, de l’urbanisme, que de l’organisation sociale. À titre d’exemple, un système de chauffage centralisé permet de chauffer tous les bâtiments du village à partir d’une seule source d’énergie. Cette source utilise des biocarburants et distribue la chaleur par un réseau de canalisations souterraines d’eau chaude.
Au cours de notre balade à travers la réserve, Steve, le directeur du développement d’Oujé-Bougoumou, nous montre le musée du village dont le design a été conçu par Douglas Cardinal, un architecte canadien de grande renommée. De descendance autochtone, Douglas Cardinal a reçu en 1999 la prestigieuse médaille du Royal Architectural Institute du Canada pour souligner l’ensemble de sa carrière. Parmi ses réalisations figurent notamment les plans du village d’Oujé-Bougoumou et ceux du Musée de la Civilisation de Gatineau.
À l’intérieur du musée d’Oujé-Bougoumou se trouve le canoë qui a fait le parcours de la Baie-James jusqu’à New York dans le cadre d’une action revendicatrice des Cris et des Inuits dans les années 70, un signe de réussite pour les gens du village. Le musée, qui ouvrira officiellement ses portes en novembre prochain, tiendra également une exposition artisanale réalisée par les anciens de la communauté.
« C’est dommage, le village entier part dans quelques jours pour la chasse aux oies sauvages », nous informe Steve. Si nous l’avions averti plus tôt de notre visite, il aurait mis à notre disposition davantage de commodités pour nous accueillir. Il nous prépare quand même une cabane dans l’ancien village et introduit dans le menu de l’auberge un plat typique pour nous le faire goûter.
Au cours de notre visite, notre conversation avec Steve passe de la chasse à l’ours, à la défaite des Canadiens en passant par les différents projets de développement touristique du village. Mes compagnes et moi sommes charmées par l’atmosphère qui règne au village d’Oujé-Bougoumou. Nous découvrons une toute autre facette de la culture autochtone du Québec. Avant même de quitter le village, nous planifions déjà de revenir au mois de juillet prochain pour le « Festival du Bleuet » qui, selon les villageois, est une occasion idéale pour les gens des environs de se rassembler pour s’amuser, écouter de la musique et pêcher le doré.