On a raison de se révolter. Chronique des années 1970.
Pierre Beaudet, Écosociété, Montréal, 2008, 248 pages.
Le militant socialiste et altermondialiste Pierre Beaudet propose une lecture intimiste des années 1970 qui ont marqué toute une génération militante associée à l’extrême gauche québécoise. Inspirés par les luttes de libération nationale et par l’émergence du mouvement marxiste léniniste (ML), bon nombre de jeunes Québécois aspirent à construire dans le sillage de mai 68 « l’idéal communiste ». Parfaitement lucide, l’auteur nous fait revivre, à partir de son expérience personnelle, les événements et les débats (nombreux) qui ont caractérisé cette période intense où le Québec vivait à fond sa propre révolution tranquille. Une bonne partie de la jeunesse choisira ainsi le camp de la radicalité en s’inscrivant dans les événements de l’époque, particulièrement dans les grèves ouvrières et étudiantes.
Si Hervé Hamon et Patrick Rotman les ont qualifiées « d’années de poudre et de rêve », l’auteur, lui, préfère parler du « projet de révolution avec un grand R ». Mais en même temps, sa fougue révolutionnaire vient se heurter rapidement au dogmatisme qui caractérise plusieurs organisations de l’époque. Inspirés par une kyrielle d’auteurs, de militants et parfois même de poètes, la réflexion et l’engagement de Beaudet évoluent sans cesse, refusant ainsi la rigidité proposée par les partis communistes d’inspiration ML. Cependant, loin de se dissocier de cette empreinte politique qui marquera durement plusieurs militants, l’auteur refuse de tirer un trait noir sur cette période. Il invite plutôt ceux qui l’ont forgée à reconsidérer cette époque toujours perçue comme négative.
Dans un contexte mondial de crise économique qui démontre encore une fois la faillite d’un système assoiffé de profits au détriment du bien commun, cet essai représente à coup sûr une contribution essentielle dans la réactualisation d’une pensée révolutionnaire qui a pris trop rapidement le chemin des « poubelles de l’histoire ». S’inspirant en bout de piste de cette nouvelle génération militante altermondialiste, Pierre Beaudet ne cache pas les désillusions et les échecs, aspirant ainsi « à garder le cœur de notre révolte légitime ».