Le mouvement citoyen déclenché à New York en septembre dernier par l’occupation de Wall Street est arrivé en ville. Ce 15 octobre 2011, comme dans plusieurs centaines de villes à travers la planète, les indignés de Montréal ont entrepris l’occupation de places publiques, dans ce cas-ci ils sont devant le Centre du Commerce de Montréal, pour dénoncer les abus des systèmes financiers et politiques. Il s’agit sans aucun doute du plus important événement politique des dernières années.
Inspiré des insurrections populaires du Maghreb puis des mouvements d’indignés espagnol et plus récemment américain, cet appel international mobilise partout sur la planète. Il exprime un malaise profond créé par des décennies de néolibéralisme ravageur et plus récemment par les crises et les abus financiers. C’est un mouvement qui s’oppose directement aux mécanismes d’austérité et d’exclusion mis de l’avant par nos gouvernements en collusion avec les banquiers et les grandes sociétés pour faire payer à d’autres leurs crises.
La riposte populaire exprime aussi très clairement que de plus en plus de gens ont perdu toute confiance en une économie capitaliste qui les appauvri et qui dilapide l’avenir de leurs enfants. Elle confirme aussi qu’on ne croit plus les tenants des politiques ultralibérales qui soutiennent que le salut est dans davantage de dérégulation au profit des transnationales, davantage de destruction des écosystèmes, davantage d’attaques aux droits et davantage de répression.
Reprendre la main
Il faut retourner jusqu’en 2003 pour trouver une mobilisation populaire internationale aussi importante. Lancé notamment par un appel du Forum social, plus de 10 millions de personnes s’étaient rassemblées en février 2003 lors de multiples manifestations autour de la planète pour empêcher l’invasion de l’Irak. Au Canada, il importe de se rappeler que ces mobilisations avaient forcées le gouvernement Chrétien à se retirer de la coalition de Georges W. Bush. La mobilisation, il faut souvent le redire, ça marche !
Et la tactique actuelle inspire. En Espagne, d’où l’action est partie, près de 500 000 manifestants ont défilé dans les rues d’environ 80 villes différentes dont 200 000 à Madrid. Aux Etats-Unis, dans le sillage de « Occupy Wall Street », les villes de San Francisco, Seattle, Chicago et une dizaine d’autres ont joint le mouvement des 99% (we are the 99% !). Au total depuis hier, près d’un millier de villes différentes ont vu défiler des centaines de milliers de personnes qui protestent contre ce néoconservatisme qui impose des plans d’austérité radicaux au nom de la lutte aux déficits.
Ce mouvement a ceci de significatif ; il est inclusif, démocratique et horizontal mais surtout il affirme haut et fort que les populations sont prêtes à reprendre le contrôle de leurs démocraties. Au moment où les Steven Harper de ce monde prétendent que le débat politique est clos, les forces sociales démontrent précisément l’inverse.
Au Canada
Interrogé sur le mouvement « Occupy », le Ministre des finances du Gouvernement Harper, Jim Flaherty prétend que les Canadiens seraient trop bien pour se plaindre « movement has little to protest in Canada ! ». Très à l’inverse, le Canada illustre parfaitement cette radicalisation néoconservatrice qui emporte actuellement les pays du monde dominant et qui alimente l’indignation généralisée. Le Canada est en guerre en Afghanistan (et il l’était tout récemment en Libye) et continue d’augmenter drastiquement ses dépenses militaires. Il a renforcé ses contrôles aux frontières et sa politique migratoire, notamment à l’égard des réfugiés. Il s’oppose farouchement aux négociations internationales sur les changements climatiques et subventionne l’exploitation hautement polluante des sables bitumineux d’Alberta. Il s’oppose à toute forme de régulation internationale du secteur financier et n’hésite pas à bafouer les droits fondamentaux de ses citoyens pour faire taire toute forme de contestation sociale. Au Canada de Steven Harper, l’indignation est d’une logique implacable.
La prochaine étape
Jusqu’à maintenant, la version montréalaise du grand mouvement des indignés se déroule très bien. Plus d’un millier de personnes le premier jour ; une bonne couverture des médias ; le passage noté de plusieurs personnalités ; et surtout un respect discipliné des principes non violents qui ont contraint les policiers au respect du camp improvisé de la Place du peuple (nouveau nom du Square Victoria).
Mais comme ce fut le cas ailleurs, le succès du projet réside dans la durée. Les prochains jours ne seront pas aisés pour ce premier groupe avec notamment l’automne qui s’installe et les ressources qui pourront manquer. Ils auront besoin de tous les appuis possibles.
Mais l’exemple de Wall Street nous apprend aussi que le succès viendra dans la mesure où la société civile organisée choisira de réellement s’impliquer. À New York, après quelques jours à prendre la mesure du mouvement, plusieurs syndicats et associations ont choisi de rejoindre les occupants.
À Montréal, nous ne devons pas rater cette opportunité.