Nnimmo Bassey : « Si le Canada continue, l’Afrique sera complètement cuite. »

dimanche 9 juin 2013, par Karine Pontbriand

Attendu le 15 juin prochain à Montréal pour présenter une conférence dans le cadre du Festival des Solidarités, Nnimmo Bassey, activiste nigérian et récipiendaire du Prix Nobel alternatif, s’est entretenu avec le Journal des Alternatives. Portrait d’un grand homme, aux positions claires et aux visions optimistes.

Combattre les pétrolières

Le titre de la conférence que donnera Nnimmo Bassey au Canada représente bien son principal cheval de bataille : faire cesser l’extraction du pétrole. Ce combat, il le mène sans relâche depuis plus de 30 ans, ayant notamment créé l’association Oilwatch Africa (l’observatoire du pétrole en Afrique) en 1996. M. Bassey a donc grande hâte de se trouver au pays des sables bitumineux pour s’entretenir avec les Canadiens. « Le Canada est l’un des pays à l’avant-garde au niveau de l’extraction du pétrole. La population semble pourtant être concernée par les problèmes environnementaux, surtout à Montréal, mais malheureusement le gouvernement n’écoute pas ses demandes », affirme M. Bassey.

Ainsi, le problème émane selon lui de la classe politique, soumise aux puissantes compagnies pétrolières. « Depuis les années 1980, on a mis de l’avant la recherche du profit à tout prix au point d’en faire une religion, explique-t-il. Partout dans le monde, et surtout dans les pays développés, il importe d’avoir autant de capital que possible. Les gouvernements n’agissent que pour aider les multinationales. » Le Canada ne fait pas exception. Pire, il s’est même retiré du Protocole de Kyoto en 2011 et refuse de s’engager de façon contraignante à réduire ses émissions de GES, ce que déplore M. Bassey.

L’Afrique, une terre brûlée

Dans son plus récent livre To Cook a Continent : Destructive Extraction and Climate Crisis in Africa, paru en 2012, Nnimmo Bassey dénonce cette logique néolibérale du profit maximum. Pour lui, tout est lié : l’environnementaliste affirme que le système capitaliste mondial n’est pas viable dans sa forme actuelle, et qu’il est responsable de la détérioration de l’environnement. L’Afrique est particulièrement touchée par les changements climatiques, avec une hausse de température annuelle supérieure à celle du reste de la planète. « Si le Canada continue [à exploiter les sables bitumineux], l’Afrique sera complètement cuite ! », prédit-t-il.

C’est justement en Afrique que Nnimmo Bassey a mené sa plus importante lutte en 2005, au terme de laquelle il a obtenu une décision de la Cour constitutionnelle du Nigeria déclarant illégal le torchage de gaz. Plus récemment, en janvier 2013, une importante décision du tribunal de La Haye a condamné la filiale nigériane de la compagnie pétrolière Shell à verser des indemnités à des agriculteurs, en raison de fuites de pétrole dans le delta du Niger. Les plaignants ont été soutenus par l’organisation Les Amis de la Terre International, dont Nnimmo Bassey était le président.

Changer les mentalités

Afin de véhiculer son message, M. Bassey travaille présentement au sein de la Health of Mother Earth Foundation (HOMEF) pour conscientiser les citoyens du monde. La Home School (aussi nommée Sustainability Academy) consiste en un espace d’échanges et de partage de solutions. Pour M. Bassey, il s’agit de changer les mentalités : « Ce qu’il y a de plus difficile à faire évoluer, ce sont les perceptions », explique-t-il.

En allant à la rencontre des gens, la Home School tente de faire comprendre que la logique néolibérale à l’origine du problème ne peut tout simplement pas le régler, d’où l’importance de revoir notre conception de la vie dans son ensemble. « Nous devons changer notre mode de vie, c’est essentiel. Nous devons vivre en communauté, voyager moins tout en connectant avec d’autres et en partageant davantage les ressources », explique l’environnementaliste.

Si cette philosophie du « retour aux sources » fait son chemin chez quelques-uns, elle demeure toutefois difficile à propager. Sachant que ce sont les pays industrialisés qui consomment la grande majorité des ressources énergétiques mondiales, il n’est pas étonnant que Nnimmo Bassey s’en prenne à l’Occident. « Au Canada, mentionne-t-il, c’est particulièrement difficile pour la population d’abandonner ses habitudes de consommation. » À l’inverse, en Afrique, la consommation d’énergie par habitant représente moins de 10% de celle d’un nord-américain.

Au final, il importe selon Nnimmo Bassey que le Canada adapte ses pratiques économiques aux impératifs environnementaux. En clair : il doit mettre un terme à l’exploitation des sables bitumineux. « Le Canada doit arrêter ses émissions de gaz à effet de serre. Il faut cesser l’extraction du pétrole et laisser les ressources gazières dans le sol. Il faut arrêter avant de se rendre au bord du gouffre, car on s’y dirige et il sera trop tard. » C’est simple, si l’on refuse de s’adapter maintenant, il faudra éventuellement accepter la sombre réalité qui guette la Terre.


Voir en ligne : Le Festival des Solidarités aura lieu le 15 juin 2013, à l’Usine C, à Montréal. « Combattre les pétrolières », la conférence de Nnimmo Bassey se tiendra à 14h, au coût de 5$.


Crédit photo : Radio Nederland Wereldomroep - flickr

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