Le 13 juin, le ministre québécois des Finances, Yves Séguin, a, lors de la présentation de son budget, clairement fait comprendre à toute la population du Québec qu’elle ne devrait plus compter sur l’État. Le plan mis en œuvre par les libéraux vise à réduire considérablement la taille de l’État en modifiant de fond en comble les services, touchant ainsi aux acquis que la société civile a mis des décennies à acquérir. Parmi les secteurs les plus touchés par ces coupures, le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI), qui voit son budget réduit de 16,4 %. Selon le journal Le Devoir, la ministre Michelle Courchesne planifie le transfert des services offerts aux nouveaux arrivants aux communautés culturelles desquelles ils sont issus.
Si les services existants étaient déjà loin d’être parfaits, l’abolition de bon nombre de mesures gouvernementales fait craindre le pire aux organismes venant en aide aux immigrants et aux réfugiés. Khadija Mounib, conseillère en emploi auprès des nouveaux arrivants à Alternatives, s’inquiète du fait que les communautés culturelles manquent d’expertise pour prendre le relais des services que le gouvernement en place cessera d’offrir sous peu.
De plus, outre l’enseignement du français aux nouveaux arrivants, le gouvernement offre également divers services afin de faciliter l’entrée des immigrants sur le marché du travail. Or, cette intégration à l’emploi est devenue de plus en plus difficile depuis quelques années.
Les plus récentes données de Statistique Canada révèlent que la majorité des immigrants arrivés au pays depuis 1990 sont plus scolarisés que leurs prédécesseurs. Or, ces derniers gagnent moins que les autres Canadiens et vivent davantage sous le seuil de la pauvreté. Plus de 40 % des immigrants âgés de 25 à 54 ans seraient titulaires d’un diplôme universitaire, contrairement à 23 % des autres Canadiens du même groupe d’âge. Les statistiques démontrent également que 39 % des enfants dont les deux parents sont des immigrants vivent sous le seuil de la pauvreté. À la lumière de ces faits, Mme Mounib lance : « Le gouvernement devrait étendre les services offerts aux immigrants plutôt que de chercher à les supprimer. »
Si le plan d’action du gouvernement en matière de coupures demeure encore nébuleux, Térésa Penafiel, de l’Association multi-ethnique pour l’intégration, soutient pour sa part qu’en raison du nombre croissant d’immigrants qui choisissent le Québec comme terre d’accueil, ces coupures auront une influence directe sur la qualité des services offerts. Il en va de même pour la cohérence de ces mesures.
De son côté, Stephan Reichold, directeur exécutif de la Table de concertation des organismes au services des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), affirme : « Les communautés culturelles les plus récemment installées au Québec, je pense entre autres à la communauté pakistanaise ou encore sri-lankaise, ne seront pas en mesure de prendre les responsabilités que le gouvernement souhaite désormais leur transférer ».
Les membres de cette table de concertation, qui regroupe 130 organismes oeuvrant auprès des immigrants et des réfugiés, espèrent obtenir des réponses claires à leurs questions lors d’une rencontre avec la ministre Courchesne prévue le 4 juillet.
Les récentes décisions du gouvernement en matière de services aux immigrants soulèvent de très sérieuses inquiétudes pour l’avenir du Québec. « L’idée de désengagement de l’État dans ce dossier est une porte ouverte à la privatisation. Cette logique est dangereuse lorsqu’elle touche aux services offerts aux nouveaux immigrants » soutient M. Reichold.
Alors que le taux de pauvreté n’a jamais été aussi élevé chez les néo-québécois, l’approche libérale se résumant à « débrouillez-vous sans nous » n’augure rien de bon pour les immigrants, les réfugiés et les autres groupes qui jusqu’ici bénéficiaient de l’aide de l’État.
Meera Karunananthan, journal Alternatives
Traduction : Sophie Goyette