Ne pas tomber dans le panneau

jeudi 1er juin 2006, par Francis Dupuis-Déri

Au début du mois de mai, Mario Morin grimpe sur un panneau publicitaire aux abords du pont Jacques-Cartier, entraînant sa fermeture pour plusieurs heures. Le lendemain, dans Le Journal de Montréal, la chroniqueuse Marie Plourde tombe dans le panneau en déclarant qu’il faut « sauver les hommes du désarroi », faisant écho aux regroupements militants qui prétendent que les hommes sont victimes de discrimination et qu’il n’y aurait plus de modèles masculins au Québec. Une affirmation absurde dans une société où ce sont encore des hommes qui dirigent seuls (ou presque) les gouvernements, les partis politiques, les grandes entreprises et les banques, les médias, les églises, l’armée et la police, et même la mafia et les bandes de rue.

Oui, mais les pères divorcés ? Dans les faits, environ 80 % des cas de séparation et de divorce se règlent à l’amiable et les pères laissent à la mère, dans la très grande majorité des cas, la garde des enfants. Les pères interdits de voir leurs enfants sont des exceptions. Et parmi les pères qui crient à la discrimination, combien d’hommes violents ? Les médias révélaient que Mario Morin avait des antécédents de violence et qu’il lançait au téléphone des menaces de mort en invoquant Marc Lépine, le terroriste misogyne de l’École Polytechnique. Même en prison, il continuait son harcèlement téléphonique. Alors, un père victime de discrimination, ou un dangereux criminel ?

En creusant un peu, on trouve dans la mouvance masculiniste d’autres coupables de harcèlements, de menaces de mort et de violence, ainsi que des références sympathiques à Marc Lépine sur les sites Internet de certains groupes militants. À Londres, enfin, la cellule de Fathers 4 Justice s’est dissoute après que des militants aient fomenté l’enlèvement de l’enfant de Tony Blair. Plus que troublant...

La député Jocelyne Caron, responsable pour le PQ de la condition féminine, notait au sujet de ce mouvement « masculiniste » que « c’est un courant d’hommes [...] qui tiennent des propos haineux envers les femmes » et qu’ils utilisent collectivement des stratégies similaires à celles d’un homme justifiant sa violence conjugale. L’homme se déresponsabilise et fait toujours porter la faute à d’autres : les femmes, les féministes, les juges et les avocats, etc.

Cette stratégie n’est pas nouvelle. La revue Playboy encourageait déjà dans les années 1950 les hommes divorcés à s’organiser pour se venger de leurs ex-épouses. Lundy Bancroft, un intervenant qui a travaillé aux États-Unis auprès d’un millier d’hommes ayant violenté leur conjointe, note qu’un homme violent estime généralement que sa conjointe n’a pas le droit de le quitter, puisqu’il la considère comme sa chose, sa propriété (Financial Times, 14 avril 2006). Ces hommes vivent un divorce comme un crime de lèse-majesté. Si les femmes ont acquis le droit de divorcer, certaines se séparent au risque de leur vie... Des bons pères, il y en a, bien sûr - mais ce sont les femmes seules ou en couple qui, le plus souvent encore, ont la charge des enfants. Il est important que des hommes se dissocient de ce mythe voulant que les femmes dominent au Québec, qu’ils disent que ces militants masculinites ne parlent pas au nom de tous les hommes, et qu’ils rappellent que le féminisme est légitime dans notre société encore injuste à l’égard des femmes, autant dans les sphères publiques que dans la vie privée.

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