Du 22 et 24 octobre dernier, Montréal accueillait son premier Colloque international sur les violences faites aux femmes, organisé par le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF), créé après la tuerie de Polytechnique en décembre 1989 quand 14 jeunes femmes avaient trouvé la mort sous les balles de Marc Lépine.
Pendant deux jours, plus de 500 universitaires, sociologues et intervenants sociaux d’une quarantaine de pays, ont échangé et débattu de « réponses sociales plurielles ». Autant de pistes pour traiter d’un phénomène complexe qui ne fait pas de distinction entre les classes sociales, le pays d’origine ou l’âge des victimes. Les ateliers couvraient un large éventail des diverses manifestations de la violence envers les femmes, de la traite à la violence conjugale, en passant par le viol utilisé comme arme de guerre dans les conflits interethniques.
Au pays, selon Statistique Canada, 29 % des Canadiennes affirment avoir été victimes d’au moins une agression de la part d’un partenaire actuel ou précédent depuis l’âge de16 ans. La situation des femmes autochtones est particulièrement préoccupante. Avec un taux d’agressions trois fois plus élevé que les autres canadiennes, elles subissent des formes plus graves de violence : 54 % ont été battues, étranglées, menacées avec une arme à feu ou un couteau ou agressées sexuellement. Un rapport d’Amnistie Internationale publié en 2004 pointe cette réalité et la faible mobilisation du gouvernement canadien pour protéger ces femmes.
Sans complaisance, ce colloque n’a pas évité la question de la brutalité des femmes elles-mêmes avec un atelier sur la violence au sein des couples homosexuels. Au Canada, le taux de violence conjugale est deux fois plus élevé chez les personnes homosexuelles (15 %) que chez les personnes hétérosexuelles (7 %). Mais, à ceux qui voudraient renvoyer dos à dos hommes et femmes sur le sujet, l’on doit opposer la réalité : au Québec, 84 % de victimes de violences conjugales sont des femmes. Une étude de Santé Canada publiée en 1999 estimait que 11 à 23 % de tous les enfants canadiens sont témoins chez eux d’actes de violence dirigés contre leur mère.
Autre sujet abordé au colloque : la violence chez les jeunes. Sournoises, banalisées et rarement dénoncées pour ce qu’elles sont, les agressions verbales ou sexuelles subies par les adolescentes ou les jeunes femmes inquiètent. Une jeune fille vivant une situation abusive lors de sa première expérience de couple ne va pas toujours la reconnaître comme telle. Une certaine tolérance à la violence verbale notamment est alarmante, car elle peut déboucher sur des formes d’agressions plus graves. Des études démontrent que les jeunes filles maltraitées très jeunes ont plus de chances d’être abusées dans leurs relations futures et auront tendance à ne pas rapporter ces agressions avant qu’elles ne menacent leur vie ou celle de leurs enfants. D’où l’importance de sensibiliser très tôt filles et garçons à ce qui est inacceptable dans une relation de couple. Se faire insulter par son petit ami n’est pas anodin et ne doit pas être toléré, comme c’est encore trop souvent le cas.
Un tel colloque avait l’ambition de mettre en commun les connaissances sur les violences subies par les femmes à travers le monde et les réponses apportées par les différents dispositifs d’aide. Mettant en lumière des situations parfois méconnues, toujours révoltantes, un tel rassemblement suscite aussi l’espoir. Celui de voir certains pays d’Asie et d’Afrique, notamment, évoluer sur la question du droit des femmes et de la famille. Il y a encore bien du chemin à faire, dans toutes les sociétés, y compris la nôtre, mais les bonnes volontés sont à l’œuvre et le droit aussi, de plus en plus, pour ne plus tolérer l’intolérable.