Le film Musiques rebelles Américas,
c’est d’abord une rencontre avec des
musiciens engagés d’Amérique latine.
La star brésilienne Chico César
prête sa voix au Mouvement des
sans terres, la chanteuse mexicaine
Lila Downs se préoccupe du sort des
autochtones, les membres de Santa
Revuelta accompagnent les manifestations
des piqueteros en
Argentine, tandis que les communautés
afro-colombiennes de
la région du Chocó nous racontent
en chansons la guerre civile
et leur déplacement forcé.

Pendant plusieurs mois, les
coréalisateurs Marie Boti et
Malcolm Guy, de Productions Multi-Monde, ont rencontré des
musiciens, des paysans sans terre,
des chômeurs et des citoyens
à São Paulo, dans la sierra mixtèque
de Oaxaca au Mexique, dans
la jungle du Chocò en Colombie
et dans les rues de Buenos Aires.
En repensant à tous ces moments
forts, Marie Boti est convaincue
que « leurs luttes auront un écho
ici, chez un public qui se préoccupe
des mêmes enjeux. Une « mondialisation
des résistances » n’est possible
qu’avec le partage de nos espoirs... »
Les réalisateurs ont voulu faire
de Musiques rebelles Américas un
lieu d’échanges. L’idée d’une
tournée solidaire au Québec est née
avant même que le fi lm ne soit terminé
: « Nous avions souhaité, dès le
départ, que ce fi lm soit un outil pour
susciter des rencontres et faire connaître
les mouvements sociaux qui défi -
nissent l’Amérique d’aujourd’hui », explique
Marie Boti. À quoi Malcolm
Guy ajoute : « Nous voulions aussi faire
connaître les musiciens engagés parce
que nous aimons ce qu’ils font... Nous
pensons que les vents du changement les
plus puissants viennent du Sud, et il y a
une créativité chez les artistes, qui multiplient
les efforts des militants. »
Quelques scènes

Le documentaire offre une série
de rencontres touchantes avec des
hommes et des femmes engagées, en
chansons, auprès des plus démunis.
Il nous amène, entre autres villes
d’Amérique latine, à Buenos Aires,
où les membres du groupe Santa Revuelta abordent avec humour les
problèmes politiques et économiques
de l’Argentine. Nous les retrouvons
lors des mobilisations de chômeurs,
des occupations d’usines. Ils sont
partout à la fois mais surtout dans la
rue, comme l’ont été, au plus fort de
la crise, les milliers d’Argentins qui ont manifesté leur mécontentement
à l’endroit de leur classe politique.
« Avec des chansons comme Soy piquetero
ou A la calle !, nous parlons du quotidien
des gens ordinaires et des luttes
populaires, tout en souhaitant
d’abord faire danser », déclare
Aníbal Kohan, l’un des musiciens
du groupe. Et leurs
refrains sont effectivement
devenus des hymnes qu’on
entend dans tous les piquetes.
Et puis le fi lm nous transporte
en Colombie, où en 1997,
l’opération Genesis sème
la terreur dans la région du
Chocó. Quelque 300 familles
réparties dans 23 hameaux
fuient les assassinats perpétrés
par les groupes militaires et paramilitaires,
faisant ainsi grossir le
chiffre déjà fort important des réfugiés
de l’intérieur du pays. Certains
musiciens de ces communautés
ont alors enregistré l’album Oyeme
Chocó, pour raconter ce dont ils ont
été victimes et demander que les
coupables soient punis. Ici, la musique
se fait mémoire et témoin. « Il
nous apparaissait essentiel de les inviter
ici ; leurs luttes quotidiennes ne sont pas
assez connues », explique Marie Boti.
Aujourd’hui encore, ces communautés
sont engagées - au péril de leur
vie - dans un processus de résistance
civile contre l’implantation illégale de vastes projets agro-industriels
sur leurs terres collectives.
Enfin, Musiques rebelles Americas emporte
aussi les spectateurs au Mexique
et au Brésil.
Invitation
En organisant cette tournée, l’équipe
de Productions Multi-Monde a
lancé un appel à plusieurs partenaires
: des artistes, des syndicats,
des congrégations religieuses, des
organismes de coopération internationale,
dont Alternatives. Les
appuis sont nombreux, l’intérêt
est manifeste. L’organisation de
l’événement a intéressé des militants,
mais aussi des jeunes artistes
de la scène hip-hop : à Toronto
par exemple, les hôtes de l’événement
sont les DJ No Capitalista et
The Red Menace. « Dans toutes les
régions où nous allons, des groupes
populaires, solidaires et militants se
sont impliqués dès le départ. Ils ont
pris des initiatives, ils ont eu envie
de s’approprier l’événement. On lance
la balle et les gens partent avec,
c’est très stimulant ! Il ne manque
plus maintenant que la rencontre
avec le public », s’exclame Mari
Boti, enjouée. L’invitation est
lancée !