Les causes liées aux enfants en détresse ne manquent pas. Parfois, la manière de les présenter culpabilise indûment. Alors on détourne les yeux, écoeurés de ces mises en scène de la misère face à laquelle nous nous sentons si impuissants.
Mobilisation Enfants du monde, cette ONG dont je veux vous parler, m’était inconnue jusqu’à ce que son instigatrice me téléphone la semaine dernière, référée par des amis. Elle, c’est Monique Mujawamariya, une Rwandaise rescapée du génocide, deux fois honorée par Human Rights Watch, une maîtresse femme engagée pour les droits des enfants. Une volonté en action, un sens aigu de la connexion interculturelle, tel est, je dirais, son engagement quotidien.
Depuis 8 ans, Monique Mujawamariya bâtit des partenariats singuliers entre sa société d’accueil, le Québec, et l’Afrique qu’elle a dans le sang. Comment s’y prend-elle ? Avec une énergie à déplacer les montagnes, elle convainc, entre autres, des équipes de spécialistes de la santé à aller mettre, ponctuellement, leur savoir-faire et leur expertise au profit de petits malades souvent rejetés de leur collectivité. Pourquoi ? Parce qu’ils sont atteints d’une maladie dont on dira qu’elle est le signe d’une malédiction divine, ou encore une punition pour un crime passé sous silence par leur famille... Des exemples ? Des maladies qui défigurent, qui rendent les visages et les corps repoussants, et le terrible noma, une gangrène foudroyante qui ravage le visage, favorisée par la malnutrition et le manque d’hygiène, mortelle dans 80 % des cas. On l’appelle la maladie de la pauvreté. Elle atteint 100 000 enfants par année, parmi les plus pauvres d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique sub-saharienne. Une maladie éradiquée depuis plus d’un siècle dans les sociétés industrialisées.
Grâce au travail de Mobilisation Enfants du monde et de sa relationniste humanitaire, des cardiologues québécois sont allés au Maroc en 2006, et une équipe de chirurgie plastique de l’Hôpital Sainte-Justine, sous la direction du docteur Louise Laberge, est rentrée avant Noël du Burkina Faso. Soixante-deux enfants y ont été opérés en quinze jours. Ces missions se font, bien sûr, de concert avec les autorités publiques locales. Une deuxième mission est en préparation pour l’automne 2008, encore au Burkina Faso, où la première dame du pays a fait de la santé des enfants et de leurs mères son engagement personnel. Je rappelle que le Burkina Faso a interdit les mutilations sexuelles sur son territoire, ce qui ne les élimine pas totalement, bien sûr.
Donc, l’angle d’attaque actuel de Mobilisation Enfants du monde est de trouver des soins spécialisés pour des jeunes atteints de maladies généralement causées par la pauvreté ou par des pratiques traditionnelles désastreuses pour leur intégrité physique et morale. On pense tout de suite à l’excision et au mariage forcé des gamines, souvent incapables de supporter l’enfantement par la suite. Ces fillettes subissent des déchirures d’organes génitaux internes et externes et, comme si ce n’étaient pas assez, développent parfois des fistules qui causent l’incontinence urinaire. Ce qui va condamner la jeune fille, qui porte sur elle une odeur repoussante, à vivre en paria dans une société qui n’a pas su la protéger. C’est à ces opérations de fistules que la mission de cette année sera consacrée.
Voulant les libérer de la souffrance et de l’opprobre public, les parents vont parfois atteindre à la vie de leur enfant et les enterrer discrètement. Au contraire, quand l’enfant revient au village opéré, soigné, sa vie change du tout au tout, sa famille est perçue comme bénie des dieux et la communauté se ressoude autour d’elle.
Je n’avais jamais entendu parler de pareilles missions humanitaires où des équipes médicales du Québec partent prêter main-forte à des équipes locales mal outillées pour colmater des plaies terribles, mais surtout redonner un nouveau souffle aux familles et à leur collectivité.
L’auteure est journaliste indépendante et cofondatrice du magazine La Vie en rose. Elle anime régulièrement des débats publics.