Dossier femmes

Mayawati : une Intouchable qui ne reste pas sur la touche !

jeudi 26 février 2009, par Nachammai Raman

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Elle se classe 59e sur la liste des femmes les plus influentes au monde du magazine Forbes de l’an dernier, tout juste derrière la reine Élizabeth II, descendante de la reine Victoria, qui a un jour conquis l’Inde. Les médias l’appellent la reine des Dalits, mais elle se présente elle-même qu’avec son prénom : Mayawati.

Elle est la première ministre de l’État le plus peuplé de l’Inde, l’Uttar Pradesh, habité par plus de 170 millions de personnes !

La présence de femmes aux plus hauts échelons politiques en Inde n’est pas une nouveauté. La première délégation indienne aux Nations unies était dirigée par Vijayalakshmi Pandit, qui a par la suite été la première présidente de l’assemblée générale de l’ONU en 1953. L’Inde a dès 1966 été dirigée par une femme, lorsque Indira Gandhi est devenue première ministre du pays. Mais ces deux femmes n’auraient probablement jamais pu occuper ces postes sans leurs liens familiaux avec Jawaharlal Nehru, qui était le frère de la première et le père de la seconde. Même aujourd’hui, la femme la plus puissante en politique indienne, Sonia Gandhi, vient de la famille Nehru-Gandhi. Elle est la veuve du petit-fils de Nehru, Rajiv Gandhi.

Rien d’étonnant donc qu’en 1995 l’élection d’une Dalit comme première ministre de l’Uttar Pradesh ait été considérée comme historique. En plus de l’absence de filiation célèbre, Mayawati a surmonté deux autres obstacles bien indiens : être une femme et appartenir à une caste inférieure.

Dans le type de famille traditionnelle dans laquelle Mayawati a grandi, les fils avaient priorité. Dans son autobiographie, Mayawati raconte que son père a donné la meilleure éducation possible à ses frères pour qu’ils puissent transmettre avec honneur le nom de la famille, tandis qu’elle et ses sœurs ont dû se contenter d’une école publique sous financée. C’est donc contre toute attente que Mayawati a réussi à obtenir son diplôme de droit à l’université.

Mais le plus grand défi relevé par Mayawati a été de briser le moule des castes, un système vieux de 3 000 ans en Inde. Elle appartient à la classe des Dalits, ou Intouchables comme on les appelait auparavant, qui sont à l’écart des classes considérées comme respectables. Ils étaient traités comme des esclaves, condamnés à faire ce que les hindous des autres castes ne voulaient pas faire : laver les toilettes et disposer des dépouilles. Avant l’indépendance en 1947, les Dalits étaient considérés comme trop impurs pour pouvoir entrer dans des temples et il leur était même interdit de puiser de l’eau dans un puits utilisé par les personnes des autres castes.

Mayawati a commencé sa carrière politique en incitant les Dalits, sa base électorale, à se révolter contre la haute caste des brahmanes. Un de ses slogans était « chassez-les avec vos sandales ! » Mais en réalisant qu’elle ne pouvait pas gagner sans l’appui des brahmanes, elle n’a pas hésité a forgé de nouvelles alliances pour les attirer, ce qui lui a attiré des critiques.

Mayawati a aussi un penchant marqué pour l’ostentation, d’où son surnom de « reine des Dalits ». Le faste de ses vêtements et de ses bijoux est souvent commenté et son anniversaire est considéré comme un jour férié dans son État.

De nombreux Dalits dans l’Uttar Pradesh considèrent Mayawati comme une héroïne. Elle a parrainé un programme de développement des villages qui bénéficient donc de bonnes routes, d’eau potable et d’infrastructures publiques.

L’Uttar Pradesh constitue le plus important bloc parlementaire au niveau fédéral, et la plupart des précédents premiers ministres indiens viennent de cet État. Si Mayawati réussit à rassembler un troisième front contre les deux principaux partis en lice aux élections générales de mai, elle pourrait devenir la première Intouchable à diriger la plus grande démocratie de la planète.

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