McDo à la sauce syndicale

Maxime, McDuff et McDo... La récidive d’un réalisateur engagé

samedi 1er mars 2003, par Julie GODEFROY

Quand un réalisateur au long court débarque dans le monde plastifié du gigantissime « Mc » de la « mal-bouffe », la croisade est lancée. Pour la seconde fois, la caméra du très engagé Magnus Isacsson a suivi une tentative de syndicalisation d’un restaurant McDonald’s de Montréal. Deux années de tournage, deux années de lutte. Maxime, McDuff et McDo pose un regard intimiste sur un combat joué d’avance...

Août 2000, derrière le comptoir d’un restaurant McDonald’s de la rue Peel à Montréal, sous les casquettes jaune et rouge de Maxime Cromp et Pascal McDuff, deux jeunes étudiants comme tant d’autres, une idée vient de naître... « un syndicat pour le restaurant ! » Les deux employés modèles décident de soutenir le regard cynique du clown Ronald, et se transforment en enfants terribles de la famille modèle du burger. La grogne se répand au-dessus des fourneaux et la Centrale des syndicats nationaux (CSN) vient leur crier solidarité. Il s’agirait du premier McDonald’s syndiqué en Amérique du Nord. La dissidence fait tache d’huile et peu à peu, tous les médias se ruent sur l’affaire du McDo de la rue Peel. Maxime et Pascal, avec toute la fougue de leurs 17 ans, se lancent en campagne : « On veut un syndicat, pas un employé du mois ! » Ils font signer les adhésions, fomentent les manifestations.

Au milieu de la foule de journalistes, une caméra se ballade. Derrière elle, le cinéaste indépendant Magnus Isacsson suit les débuts de l’histoire sans se faire remarquer. Cette lutte-là, il la connaît. Deux ans plus tôt, il signait Un syndicat avec ça ?, documentaire sur une tentative de syndicalisation d’un restaurant McDonald’s à Saint-Hubert, qui s’était soldée par sa fermeture. Cette fois encore, Magnus repart au front. « Parce que cette fois j’y croyais, confie-t-il. Il sne pouvaient pas refaire deux fois le même coup. Leur syndicat, ils allaient l’avoir, j’en étais sûr. »

Une jeunesse militante

Au fur et à mesure, l’exaltation de la presse retombe, mais le cinéaste reste et s’engage. Les deux jeunes le reconnaissent, l’accueillent dans leur camp. Alors, une histoire parallèle se profile devant l’objectif. Au-delà du combat syndical, c’est le visage de la jeunesse qui se dessine. « J’ai d’abord pensé faire un film sur une bataille contre ce symbole des multinationales, témoigne le réalisateur. Et puis, ensuite, j’ai voulu montrer ce qui se passait quand la jeunesse s’activait. Avec mes précédents documentaires, Le Nouvel habit de l’Empereur, Opération SalAMI ou Vue du Sommet, je proposais un aperçu plus général sur les mouvements antimondialisation. Mais ici, je me suis vraiment penché sur la personnalité des jeunes. Je crois que c’est un beau témoignage sur cette nouvelle génération de militants, qui vient combler un vide. »
La petite épine dans le pied du géant McDo commence à irriter, le dialogue se durcit. Malgré les mises en garde, les abandons de camarades moins tenaces, et la lassitude qui les guette, le duo persévère et découvre, à travers l’outil Internet, des encouragements aux quatre coins du monde (www.mcspotlight.org). Novembre 2000, le syndicat CSN du McDonald’s de la rue Peel est accrédité officiellement. Victoire ? McDo riposte, sape le moral, et lance même à leur trousse toute une troupe d’antisyndicalistes plutôt virulents. Août 2001, le propriétaire de l’établissement, Michel Marchand, met la clef dans la porte. Estocade finale. Le soir même, Pascal démissionne... il souhaite tourner la page, vivre autre chose. Pas si facile le militantisme. Maxime s’accroche, ce combat, il s’y est fondu et ne lâchera pas. Magnus, lui, éteint sa caméra, son film est fini.

Trois ans de tournage à Saint-Hubert, deux ans pour Maxime, McDuff et McDo. Vis-à-vis du leader mondial de la restauration rapide, Magnus Isacsson a pris son temps. Dans les cuisines de Magnus, on fait du sur mesure, on mitonne lentement des sujets savoureux. Enfin, quand le chef le juge prêt... il convie le public et sert un repas intime, mais qui a du corps, et en l’occurrence, laisse un petit goût d’amertume.

Julie Godefoy, collaboration spéciale


On peut se procurer le documentaire en écrivant à filmsenvue@qc.aira.com ou en appelant à Films en vue au (514) 276-9556. Pour plus d’information sur les précédentes réalisations de Magnus Isacsson : http://www.socialdoc.net.
Maxime, McDuff et McDo sera diffusé le 2 mars 2003 à la Cinémathèque québécoise à Montréal à 17 h 20, et le 6 mars 2003 à Télé-Québec à 20 h.

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