Violences indiscriminées contre les civils, du fait principalement des forces armées et du FSB (ex-KGB), impunité organisée1 et huis clos sont le lot quotidien de la population. Les opérations de « nettoyage », véritables opérations punitives contre l’ensemble de la population civile, se déroulent de la même manière sinistre : encerclement par les blindés, déploiement massif de militaires, arrestations de la population masculine, interrogatoires durant lesquels le recours aux mauvais traitements et à la torture est la règle. La systématisation du racket et des demandes de rançons par les militaires pour libérer les civils arrêtés est d’ailleurs une des causes de l’intérêt que trouvent les militaires à la poursuite de cette guerre. L’impunité, elle, est organisée jusqu’au plus haut niveau de l’État, et les opérations de nettoyage les plus sanglantes ou les découvertes de charniers ne mènent jamais à aucune poursuite.
L’accès au territoire tchétchène n’est pas libre. Journalistes, ONG humanitaires, envoyés des organisations internationales, ne sont pas les bienvenus. Même le très complaisant groupe d’assistance de l’OSCE, présent (discrètement) depuis le début du conflit, a vu le Kremlin refuser de renouveler son mandat fin 2002.
Ajouté au contrôle des médias, qui a débuté avec la mise au pas de la chaîne de télévision NTV au printemps 2001, et qui s’est accentué après la prise d’otages à Moscou en octobre 2002, ce huis clos permet de prétendre à la « normalisation » de la Tchétchénie au mépris de la réalité. Annoncée à de nombreuses reprises, et chaque fois démentie par les faits, cette normalisation de façade est le seul aspect cohérent de la politique de Moscou. Fidèle à cette stratégie, le Kremlin a organisé un référendum, ce dimanche 23 mars, où la population a été appelée à voter pour l’appartenance « inaliénable » de la Tchétchénie à la Russie. Bien évidemment les troupes russes stationnées en Tchétchénie avaient le droit de vote, alors que les réfugiés tchétchènes dans la république voisine d’Ingouchie ne l’avaient pas… Résultat, 96 % de voix pour.
Cette mascarade électorale ne trompe personne, et même le Conseil de l’Europe, pourtant peu regardant envers la Russie, considère que les conditions pour tenir un référendum ne sont pas remplies et a refusé d’envoyer des observateurs.
Fausse solution, ce référendum a pour but essentiel de délégitimer le président Aslan Maskhadov (élu en 1997 sous contrôle international) et nie le fait essentiel de cette guerre : aucune solution ne sera apportée au conflit sans une négociation entre les deux parties en lutte. C’est pourtant cette évidence que Vladimir Poutine refuse, pris dans une contradiction insurmontable : la victoire lui est impossible, mais la défaite lui est impensable.
Vis-à-vis ce blocage tragique, et devant la nécessité d’une médiation internationale pour le dépasser, plusieurs associations françaises et internationales, dont le Comité Tchétchénie 2 , se mobilisent pour mettre les gouvernements d’Europe vis-à-vis leurs responsabilités et pour appuyer les Russes et les Tchétchènes qui luttent pour arrêter la guerre et contre l’impunité. Mais seule une mobilisation large et internationale pourra réellement influer sur la situation. Après les extraordinaires mobilisations planétaires contre Bush et sa guerre en Irak, l’opinion mondiale saura-t-elle enfin s’intéresser à Poutine ?