Documentaire

Martha qui vient du froid

jeudi 29 janvier 2009, par Emmanuel Martinez

La question de la souveraineté canadienne dans l’Arctique n’a pas été inventée par Stephen Harper. Un pan méconnu de l’histoire du Québec et du Canada concernant le Grand Nord est raconté avec brio dans le documentaire de Marquise Lepage, Martha qui vient du froid.
En 1953, Martha Flaherty a cinq ans lorsque sa famille est déportée d’Inukjuak, sur la baie d’Hudson à l’Ile d’Ellesmere, au-delà du cercle polaire où tout n’est que glace et roche. C’est le début d’un enfer pour elle et les siens. Le froid mordant, même pour les plus endurcis des Inuits. La faim, toujours creusé par une recherche constante de nourriture. Le désespoir, causé par l’isolement, le noir en hiver et par les déménagements continuels entre des tentes de fortune et des igloos difficiles à construire à cause du manque de neige provoqué par des froids intenses.

Malgré toutes leurs souffrances, Marquise Lepage estime qu’il s’agit « d’une belle histoire de résistance. Ces gens transforment leurs malheurs pour faire quelque chose de grand ». Outre le fait qu’ils aient survécu - un exploit en soit parce que plusieurs sont morts prématurément -, la documentariste souligne que ces Inuits sont devenus des leaders de leur peuple ; ceux qui lui ont permis de s’affirmer davantage face aux Blancs. Et l’endroit où ils se sont installés sans aucune aide, Grise Fjord, est toujours habité par 150 personnes.

Ce documentaire aussi émouvant qu’instructif aborde de front l’hypocrisie et le paternalisme des autorités vis-à-vis les Inuits. Le gouvernement canadien convainc ces quelques dizaines d’Inuits de déménager plus au nord sous de faux prétextes : il y a là du gibier en quantité et de meilleures conditions de vie. Et s’ils n’aiment pas l’endroit, ces Inuits peuvent revenir chez eux au Québec, leur promettent les agents du gouvernement. Tout ceci n’est que mensonge. Pas de gibier sur Ellesmere. Pas de possibilité de revenir dans leur village natal à moins de payer pour le retour...
Le plus ironique c’est que le grand-père paternel de Martha n’est nul autre que Robert Flaherty, le cinéaste qui a fait connaître au monde entier dans les années 1920 les Inuits avec Nanook of the North. Le recours aux images de ce film est habilement exploité dans le documentaire pour enrichir le récit.

Ces mensonges du gouvernement canadien avaient un but : assurer la souveraineté du Canada sur ces terres où personne ne voulait habiter. Avec la présence de ces Inuits, le Canada pouvait, et peut aujourd’hui, prétendre que ce territoire est habité, et donc 100 % canadien.

Un documentaire à voir absolument pour connaître le passé et comprendre le présent.


Martha qui vient du froid, jusqu’au 5 février au cinéma Ex-Centris.

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