Dans leur dernier spectacle, Le Cabaret médiatique, les cibles ne manquent pas : concentration de la presse, propagande, information spectacle, manipulation… tout y passe. Les Zapartistes attaquent de front, avec des gags bien ficelés et des sketchs pour le moins ironiques. Le bulletin de nouvelles de TVA est commandité de A à Z, Jean-Luc Mongrain s’emporte pour des sottises sur les ondes de TQS et à Radio-Canada, le Montréal ce soir présente les mêmes meurtres et chats écrasés qu’aux autres stations, mais toujours « dans un excellent français ».
Ils sont cinq sur scène (Geneviève Rochette, Denis Trudel, Christian Vanasse, François Parenteau, Frédéric Savard) et sept dans la vie (Nadine Vincent et François Patenaude participent à l’écriture). Auteurs, amis et comédiens, ils sont réunis autour d’un manifeste qu’ils récitent en début de spectacle. C’est ainsi qu’on apprend sans détour qu’ils sont, entre autres, indépendantistes et de gauche, pour le commerce équitable, contre l’hégémonie du char, la débilité militaire, la culture du consensus et la rectitude politique. « On veut ramener une certaine verve virile dans le discours pour y mettre un peu de piquant », explique l’un des Zapartistes, François Parenteau. C’est ainsi qu’ils affirment que sur les planches, ils n’ont pas d’amis, puisque « contrairement à la richesse, la connerie est très bien distribuée ».
L’humour québécois revisité
Leurs aventures ont commencé par des soirées de discussion organisées au café L’Aparté, rue St-Denis à Montréal. Au fil des rencontres, ils ont senti le besoin de créer un spectacle plus structuré, qu’ils ont présenté sous les bombes lacrymogènes lors du Sommet des Amériques, à Québec, en avril 2001. « Pour plusieurs jeunes, il s’est vraiment passé quelque chose à Québec 2001, constate François. Ce n’est pas sûr que les médias aient bien véhiculé cet éveil ou que le Québec s’en rende compte, mais pour nous, cet événement a eu pour effet de confirmer et de réunir un public pour ce type d’humour. »
Un humour qu’ils n’hésitent pas à décrire comme étant politique et militant. « C’est politique dans le sens grec du terme, […] donc qui concerne tous les aspects de la vie en société. La concentration de la presse ou la coupe d’arbres pour construire des condos, c’est aussi politique » lance Frédéric Savard. « Et militant, parce qu’on avance certaines idées auxquelles on croient. C’est une pulsion de convaincre en passant par le rire » poursuit François Parenteau, qui n’hésite pas à qualifier les membres du groupe de « clowns justiciers » de l’humour.
Frédéric enchaîne : « On ne cherche pas le gag à tout prix, mais le but est de faire passer un message. Quand on dit que le rôle de l’ONU n’est pas de reconstruire l’Irak mais d’amener les États-Unis et la Grande-Bretagne en cour pour crimes de guerre, il n’y a pas de gag là-dedans. Mais tout le monde applaudit. »
Mordre dans l’actualité à pleines dents
Parce que leur art s’inspire avant tout de ce qu’on retrouve dans notre journal du matin, ils présentent un spectacle constamment renouvelé, au gré des soubresauts de l’actualité. D’une représentation à l’autre, on retrouve environ 20 % de nouveau matériel, principalement regroupé dans le bulletin de nouvelles, fraîchement rédigé au goût du jour. On y a appris notamment que « les États-Unis ont inventé une guerre prépréventive qui leur permet d’attaquer des pays qui n’existent pas encore » et que Pierre Bourque « se présentera aux prochaines élections scolaires ». Imitations, parodies et chansons ponctuent le reste du spectacle, où aucun politicien n’est épargné.
Les Zapartistes n’hésitent pas à décocher les coups, surtout à droite, mais aussi un peu à gauche : « C’est facile de se vautrer dans la cause et de dire qu’on ne gagnera jamais, lance Frédéric. Être des victimes perpétuelles, c’est aussi un peu dangereux. » Et ils ne se gênent pas pour le rappeler sur scène.
Mais le groupe d’humoristes tient aussi à aller au-delà de la simple dénonciation. Comme le rappelle Frédéric, « ça ne suffit pas de crier "Liberté !" dans un micro devant 300 personnes. À l’international comme au local, il faut proposer ». Et le rire, lorsqu’il y a un message à véhiculer, peut être un moyen « foudroyant et efficace ».
Aux critiques qui pourraient reprocher aux Zapartistes de « surfer » sur la vague populaire de l’art engagé, la réponse, cinglante, ne se fait pas attendre : « Ce n’est pas si à la mode que ça, l’engagement social, parce que si on était si éveillé collectivement, je ne suis pas sûr que les libéraux seraient au pouvoir ! » s’exclame Frédéric.
La prochaine étape ? « Accéder à un autre public que celui qui est déjà conscientisé, rejoindre les gens en région, en banlieue… » lance François. Parce que, comme l’affirment les Zapartistes, « rire est une si jolie façon de montrer les dents… ».
Daphnée Dion-Viens, coordonnatrice et rédactrice, journal Alternatives