À la faveur de la disparition de quatre des cinq émissions de télé et de radio consacrées à la littérature ces dernières années, on a beaucoup parlé de la place dévolue à la littérature dans les médias, en particulier sur les chaînes publiques. On n’a cependant peut-être pas assez parlé de l’importance de la culture en général dans nos vies, cette place et cette importance qui n’ont cessé d’être réévaluées à la baisse.
Chose sûre, les raisons invoquées par les patrons des réseaux publics pour justifier leur désintérêt à l’égard de la « chose littéraire » ont de quoi décourager les idéalistes qui les imaginaient affranchis de la dictature de l’audimat. Avalisés récemment dans les pages de La Presse, entre autres par la reine du « télémélo » elle-même, Fabienne Larouche, ces motifs ont des allures de décrets de la cour : pas assez grand public, la littérature, nous a-t-on appris, pas assez spectaculaire. En somme, la télé apparaît plus que jamais comme le royaume de l’incessant bavardage public, du racolage et de l’entertainment, fussent-ils aussi débilitants que ces reality shows ou ces feuilletons ennuyants comme la pluie.
Nonobstant les reproches, souvent justifiés, que l’on a exprimés quant à la formule des divers magazines télévisuels traitant du livre ces dernières années, leur disparition de l’agora, tout comme la diminution de l’espace consacré à la critique dans les cahiers littéraires des journaux, s’inscrit dans la foulée d’un mouvement anti-intellectuel plus ou moins généralisé en Occident néolibéral : à savoir, le bâillonnement graduel des dissidents susceptibles de proposer une autre lecture du monde.
À quoi sert la littérature ? nous demande-t-on, en exigeant du même souffle des preuves concrètes de sa rentabilité. Comme d’autres, je frémis quand on tente d’assujettir la culture à cette logique marchande. Comme d’autres, je reconnais comme finalité de la littérature le rapport paradoxal, à la fois antagonique et réconciliateur, qu’elle entretient avec le réel dont elle est l’émanation, l’idéalisation et la critique.
Compte tenu du climat économique, culturel et social du Québec actuel, je comprends que littéraires et bibliophiles puissent éprouver du pessimisme quant l’avenir de leur art dans un monde de plus en plus livré aux hégémoniques lois du marché.
A-t-on peur du livre ? Forcément. La littérature n’est pas un objet sécuritaire ou sécurisant, ce n’est pas sa fonction. C’est sans doute pour cela que le pouvoir établi, celui qui téléguide nos choix de société et esquisse les orientations culturelles de nos médias, le redoute tant.