Libéraux et conservateurs en faveur de l’évitement fiscal

lundi 31 octobre 2016, par Claude Vaillancourt

Le parlement wallon a agi avec un grand courage politique dans sa lutte contre l’accord commercial entre le Canada et l’Union européenne. Pendant ce temps, à Ottawa, les libéraux et les conservateurs ont fait exactement le contraire. Ils ont voté contre l’intérêt de leurs citoyens et leurs citoyennes en refusant de se battre contre l’évitement fiscal.

Le 27 octobre, le député du Bloc québécois Gabriel Ste-Marie a soumis aux membres de la Chambre des communes une motion visant à limiter l’évitement fiscal par biais de la Barbade. Ce paradis fiscal est le plus utilisé par les canadiens. Dans cette petite île à la population de 280 000 habitants, la valeur des titres officiels en provenance de notre pays était de 62 milliards $ en 2015. Ce qui en fait absurdement, comme on l’a souvent répété, la troisième destination des capitaux canadiens dans le monde.

La Barbade a été popularisée en tant que paradis fiscal par l’ex-premier ministre Paul Martin qui y a enregistré ses compagnies en 1995. Selon un reportage de l’émission Enjeux à Radio-Canada en 2004, « depuis que Paul Martin a déménagé ses sociétés à la Barbade, le nombre d’entreprises canadiennes a augmenté de 3600 %. » Ce pays où le taux d’imposition tourne autour de 1% ne cesse de permettre à des individus ou des entreprises de dérober des fortunes à l’impôt.

Il était donc temps d’intervenir, d’autant plus que la population canadienne est devenue très préoccupée par le problème des fuites fiscales, depuis la publication des Documents de Panama, entre autres. Ce que le député Gabriel Ste-Marie a proposé est à la fois d’une grande simplicité et d’une grande efficacité : sa motion implique « que toute entreprise qui a droit à un avantage fiscal spécial accordé par la Barbade n’est pas exonéré de l’impôt par l’effet d’un traité fiscal ».

Pas de renégociation du traité sur la double imposition conclu avec la Barbade en 1980, mais un petit arrangement qui obligerait celles et ceux qui rapatrient leur argent de ce pays vers le Canada de payer leur juste part d’impôt. Une fois adoptée, cette disposition pourrait aussi être reconduite et toucher la douzaine de paradis fiscaux avec lesquels le Canada a signé le même type d’entente. Cette motion semble si claire et si nécessaire qu’elle aurait dû passer comme une lettre à la poste. Le NPD et la Parti vert l’ont d’ailleurs soutenue.

Mais il fallait compter sur la basse partisannerie, sur l’inquiétante complicité entre les banques, les libéraux et les conservateurs, et sur une éprouvante mauvaise foi pour rejeter une mesure dont les avantages relèvent de l’évidence.

Le député conservateur Marc-André Leclerc a justifié la décision de son parti en prétendant que cette motion, « vise à condamner des personnes et des entreprises dont les activités sont parfaitement légales ». Voilà justement le problème auquel il faut s’attaquer : rendre illégal ce qui est légal mais carrément inacceptable. Il ne s’agit nullement ici de « condamner » qui que ce soit !

Il était consternant de voir les députés libéraux, eux qui se disent « progressistes » et préoccupés par les fuites fiscales, se lever les uns après les autres — à une exception près — pour rejeter froidement une si importante motion. Un grand moment de désolation qui ne peut qu’accentuer le cynisme de la population…

On commence peu à peu à voir le vrai visage de notre souriant et photogénique premier ministre. Il devient pertinent de se demander pour qui donc gouverne-t-il ? Son refus d’intervenir contre le paradis fiscal de la Barbade, son appui sans réserve au libre-échange, alors que l’opposition contre les accords commerciaux se fait plus clairement entendre que jamais, nous donnent l’image d’un chef d’État entêté, peu à l’écoute de la population, entièrement soumis aux exigences du pouvoir financier. Une réalité contraire à l’image qu’il cherche pourtant à transmettre.

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