Lettre ouverte au Plan Nord ou Hymne à la vie

mercredi 1er février 2012, par Fanny-Pierre Galarneau

Lundi, le 30 janvier 2012 au retour de la Conférence « Plan Nord : Impacts économiques, sociaux et environnementaux » à HEC Montréal, j’ai senti un urgent besoin de citoyenne d’écrire cette lettre. Indépendamment d’une organisation, expertise, statut social, origines ethniques, j’écris ce mot avec une réelle préoccupation de l’avenir pour toutes populations et formes de vie !

Premièrement, je remercie nos dirigeants d’avoir imaginé un chantier dans un grand silence pour une seule génération afin de protéger l’avenir pour la jeunesse et créer de l‘emploi. Ma génération, j’en suis convaincue, désire plus qu’un équilibre budgétaire et de la création de richesses sur 25 ans. Rappelons-le, depuis 500 ans la création de richesse est la principale cause de création de pauvreté et d’inégalités. La « pauvreté » qui existe dans bien des communautés nordiques provient bien plus de la perte de ses territoires et de son autodétermination que de l’absence d’emplois offerts par des multinationales. Pour soutenir notre futur, il faut élargir l’esprit, diversifier les secteurs et agir pour l’équilibre planétaire avant tout. Dans cette optique, je suggère à tous de prendre un moment précieux pour découvrir le bijou de la Déclaration universelle des Droits de la Terre-Mère signé à Cochabamba en avril 2010. Nous avons beaucoup à apprendre et à réfléchir de Cochabamba où même l’eau de la pluie appartenait à une multinationale.

Pour ce qui est du Plan Nord ou de différents plans de « développement durable », il est impossible même de continuer à concevoir la vie sur une seule génération tel que présenté. Laquelle des générations ? J’ai envie qu’on honore toutes générations confondues, des aînés aux nouveau-nés, de nos ancêtres aux générations futures, des habitants millénaires du continent jusqu‘au travailleur migrant venant temporairement travailler ici. On est tous des êtres vivants, on a tous nos besoins fondamentaux à combler et on a tous un devoir de transmettre à ceux qui nous suivrons la Terre avec autant de souci que les gens nous l’ont remis. Ma génération est métissée, elle a pu voyager beaucoup plus aisément que celle de nos parents, elle a vu l’impact des multinationales sur différents territoires, elle vit autant dans la consommation hâtive qu‘elle rêve d’urgence de décroissance. On est pris entre deux mondes avec les échecs du passé et tous les outils nécessaires pour dessiner nos rêves, libérer des erreurs de ceux qui nous ont précédés. Il n’y a pas que les marchés qui se sont mondialisés, il y a un savoir, des combats, des histoires qui traversent les frontières et qui n‘ont plus de limites. On est aussi armés d’alternatives novatrices, de créateurs hors pair, d’ingénieurs brillants, de visions nouvelles enracinées dans des savoir-faire qui ont protégé la Terre pendant des millénaires. Les savoirs se rencontrent, les idées jaillissent, il manque de visibilité, de véhicules pour qu’ils circulent, mais nous avons entre nos mains des bijoux à réaliser. Qu’on soit enfant d’immigrants, d’une nation autochtone, d’un souverain québécois, on est la génération de la rencontre, de la réconciliation. Même si certaines politiques et projets de développement tendent à nous diviser actuellement, nous sommes nés pour faire ces transitions, pour trouver un équilibre, retrouver l’unité. Le Plan Nord c’est un plan de marketing, une fraction d’une vérité qui dénie beaucoup trop de voix. Il est temps d’ouvrir un cercle, d’ouvrir une réelle concertation, un débat public où la voix de tous est entendue. Ce processus sera beaucoup plus lent que la montre des marchés boursiers, mais au moins on pourra avancer dans une même direction, une même détermination en incluant aussi dans nos coeurs toutes formes de vie qui nous entourent.

Pourquoi devons-nous absolument créer des parcs nationaux pour protéger nos rivières, notre faune, la flore ? On parle de protection de la biodiversité. La nature c’est un tout. Si l’on détruit une partie du corps terrestre à quelques kilomètres avec des mégaprojets industriels, ce qui se trouve dans les parcs va être affecté tôt ou tard. On respire tous le même air. On s’abreuve tous de la même eau. On se nourrit tous de la même terre. Ces mêmes éléments sont les mêmes que nos ancêtres et sont les mêmes dont nous sommes les gardiens pour les générations futures. Le nord du Québec renferme les plus grands bassins d’eau douce au monde, c’est un trésor humanitaire incroyable qui devrait être le centre de nos propriétés. Voici une véritable vision commune à laquelle on devrait tous se rallier et qui unit tous les peuples et toutes les formes de vie. Cette eau est la même qu’on utilise dans l’extraction des minerais, la même que les quelques hordes de caribous forestiers se rafraîchissent, la même qui voyagera au fil du temps. C’est un patrimoine dont nous sommes tous les gardiens.

Maximiser les investissements, les revenus fiscaux, la rentabilité pour payer la dette n’est pas une raison justifiable pour détruire quelque chose de plus grand. La qualité de vie des êtres humains et des autres règnes passent certes par la création d’emploi, répondre aux besoins fondamentaux quotidiens, mais également par l’équilibre et la santé du territoire qui nous entoure. Comme citoyenne, je n’ai aucun intérêt à hypothéquer des territoires, décimer les dernières forêts anciennes, abandonner ce trésor unique aux mains d’industrie locale ou étrangère qui n’honorent pas ce bijou de la Terre. On parle de redevances minières pour le futur ? C’est une solution concrète possible. Ma question, doit-on réellement continuer à creuser et créer des mines à ciel ouvert ? On doit plutôt décroître notre consommation de minerais. On parle de nettoyage des sols après l’activité des mines ? Aucun être humain n’a le pouvoir et le savoir de recréer un écosystème aussi pur que lorsqu’il nous a été offert. Les MW produits en supplémentaire pour nourrir les industries, c’est condamner encore plus de cours d’eau, pour alimenter les multinationales alors qu’on vend déjà des surplus d’électricité. Ces propres cours d’eau renferment des populations animales, des forêts qui filtrent notre eau, nous permettent de respirer un air sain. Il faut être conscient comme population des grands risques qu’on prend de permettre un pillage de ces sources de vie sacrées et d’accepter qu’on investisse nos biens et notre argent dans des secteurs instables. Le secteur minier impose le rythme de ses marchés sur notre propre temps à évaluer les risques sur notre environnement et notre droit comme citoyen. Nous ne sommes mêmes pas encore conscients de toutes les conditions désastreuses du passé (sites orphelins, impact des barrages, etc.), comment peut-on aller encore de l’avant ?

Bref, le Plan Nord c’est l’absence totale de plan. Comme a cité le sous-ministre Robert Sauvé à HEC, c’est un triangle qui doit tenir en équilibre sur un crayon. Il a même affirmé, « si on peut faire des safaris en Afrique, pourquoi pas dans le Nord-du-Québec ». Comme citoyenne, comme jeunesse, je désire lui rappeler que la vie, la nature forment déjà un cercle qui possède son propre équilibre. Ce cercle ne repose pas sur un crayon, mais sur nos actions, nos choix d’êtres humains, car nous sommes tous les gardiens de cette Terre. Le Nord-du-Québec n’a pas le destin d’un zoo, mais de continuer à être ce trésor terrestre sacré méritant une liberté aussi vaste que ses terres. Honorons la beauté qui nous entoure ! Créons de l’emploi et des activités économiques dans ce qui la célèbre. Écoutons les communautés qui l’habitent depuis des millénaires. Prenons le temps de ralentir pour le respect de la vie !


Fanny-Pierre Galarneau
Citoyenne, Artiste et Médiatrice culturelle
Ancienne stagiaire d’Alternatives

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Éditorial : Alizés, avril 2009

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