Lettre ouverte à la chef du Parti vert, Elisabeth May

jeudi 1er février 2007, par Judy REBICK

Chère Elisabeth,

Je t’aurais écrit bien avant, mais j’étais en voyage.
Depuis mon retour, j’ai relu attentivement tes prises de position au sujet de l’avortement et j’ai le regret de t’apprendre que cela m’amène à retirer mon appui au Parti vert.

Comme tu le sais sans doute, j’étais très enthousiaste à l’idée de te voir diriger le Parti vert. Malgré mon désaccord avec certains aspects du programme du Parti, je croyais jusqu’à maintenant que ta seule présence apportait beaucoup à la politique fédérale. Et voilà que tu remets en question la plus importante victoire du mouvement des femmes de ma génération.

Si tu avais dit que tu désapprouvais personnellement l’avortement, sans pour autant vouloir priver les autres femmes de leur libre choix, je m’en serais accommodée. Mais tu as dit que le droit pour une femme de choisir - ce droit pour lequel des dizaines de milliers de femmes ont combattu pendant des décennies - banalisait une chose fondamentale.

Pour moi, c’était comme une gifle en plein visage.
Comme tu ne sembles guère avoir de respect pour le mouvement des femmes qui s’est battu pendant des années pour obtenir ce droit, tu comprendras que je déchire le chèque que je destinais au Parti vert et que tu ne peux plus compter sur mon soutien.

Il n’y a pas de position de compromis en matière d’avortement, comme tu le réalises sans doute. L’opposition à l’avortement organisée au Canada tout comme aux États-Unis se fiche que des femmes meurent. Bien sûr, certaines personnes s’opposent à l’avortement pour des raisons religieuses, mais je parle ici des militants antichoix.

J’ai personnellement eu maille à partir avec ces gens durant 30 ans. Avec eux, le dialogue est impossible. Ils placent la vie du fœtus au-dessus des droits et même au-dessus de la vie des femmes. Que cela te plaise ou non, en abordant le sujet comme tu l’as fait, tu as contribué à conforter leur position.

Au Canada, le débat sur l’avortement a duré des décennies. Évoquer le besoin de le rouvrir, comme tu l’as fait, constitue une grave erreur de jugement. Et dans l’éventualité, même improbable, où Stephen Harper obtiendrait une majorité parlementaire lors des prochaines élections, tu pourrais avoir causé des dommages irréparables.

J’ai travaillé à plusieurs grandes causes au cours de ma vie, mais c’est en défendant le droit à l’avortement que j’ai eu à faire face à des manœuvres d’intimidation, incluant des menaces de mort. À cause de mes positions en matière d’avortement, on m’a attaquée physiquement et on a tenté de me faire congédier de mon travail. J’ai même eu droit à des manifestations d’anti-sémitisme des plus crasses. J’espère seulement que tu réalises avec quel genre de personnes tu es en train de t’acoquiner.

Et je t’en prie, ne viens pas me dire que tu ne savais pas tout cela. Tes commentaires ne peuvent pas être mis sur le compte de l’ignorance, puisque tu étais ici, parmi nous, lorsque le débat sur l’avortement faisait rage.

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