Parfois, les IgNobels servent à dénoncer l’utilisation de la science à des fins religieuses ou politiques. Ce fut le cas en 1990, lorsqu’on décerna un prix à L’Église baptiste de l’Alabama, pour des recherches visant à dénombrer avec précisions la proportion de citoyens de l’État qui finiront en enfer. Très précisément 46,1 %, pour ceux que cela intéresse.
Mais les IgNobels ont aussi couronné les magouilles financières qui ont permis à un noyau d’actionnaires de longue date de la compagnie d’assurances Lloyd’s d’échapper à leurs responsabilités. Ceux-là ont mérité leur place aux côtés de l’inventeur du pourriel (spam en anglais), cette pollution virtuelle qui encombre les serveurs et paralyse les boîtes de courrier électronique.
Le plus souvent, toutefois, les IgNobels se contentent de récompenser des recherches loufoques, dont l’intérêt paraît discutable. Du moins, dans l’état actuel des connaissances. On cite habituellement le chercheur américain qui gavait des palourdes avec du Prozac. Ou le biologiste français qui s’était introduit un parasite du chat dans l’oreille pour pouvoir en étudier les effets. Il y a aussi ce Canadien qui fit goûter huit espèces de têtards à onze volontaires pour en déterminer leur saveur, sur une échelle allant de « savoureux » à « immonde ».
Les prix IgNobel sont décernés chaque année au cours d’une cérémonie haute en couleurs, qui illustre bien leur caractère subversif. D’ordinaire, plusieurs véritables récipiendaires de prix Nobel viennent y remettre lesprix. Les éminents scientifiques en profitent pour présenter un miniopéra ou pour danser le hula-hoop, malgré les milliers d’avions de papier lancés par les spectateurs. Et gare à l’orateur qui abuse de son temps de parole. Une fillette bondit alors sur la scène en répétant : « Arrêtez, s’il vous plaît, j’en ai assez. Vous m’ennuyez. Arrêtez, s’il vous plaît, j’en ai assez. Vous m’ennuyez. »
Un hommage à l’imagination parfois un peu trop débordante de l’humanité.